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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/52

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entière, l’Europe, l’Asie, jusqu’à l’Océan. Et à quoi bon cette longue énumération ? Tous les lieux qu’éclaire le soleil furent visités par cette grâce : il suffit de cette goutte, de cette parcelle de l’Esprit, pour répandre la doctrine dans l’univers entier. Par elle se montrèrent des signes, par elle les péchés de tous furent rachetés. Néanmoins cette grâce distribuée dans tant de climats n’est qu’une partie, et pour ainsi dire, un arrhe du présent total : « Donnant, est-il écrit, les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs. » (2Cor. 1, 22) C’est l’opération, ici, qui est dite partielle : car le Paraclet est indivisible. Mais voyez quelle source inépuisable : « A l’un est donnée par l’Esprit, la parole de sagesse ; à un autre la parole de science selon le même Esprit ; à un autre la foi ; à un autre la grâce de guérir ; à un autre la vertu d’opérer des miracles dans le même Esprit ; à un autre la prophétie ; à un autre, le discernement des esprits ; à un autre, le don des langues diverses. » Voilà les grâces innombrables que la grâce du baptême a répandues parmi tant de nations, sur toute la terre : tout cela est l’œuvre de cette goutte tombée de l’Esprit. C’était bien une goutte en effet : c’est ce que prouve l’expression : « Je répandrai de mon Esprit », et cette autre : « Les arrhes. » De là il résulte clairement qu’une faible partie du tout, seulement, a été donnée. Voilà pourquoi Jean a dit, faisant voir la même chose : « Nous avons tous reçu de sa plénitude : » en d’autres termes, de ce qui déborde, du trop plein de ce qui tombe du vase. Songez donc combien elle est inépuisable cette grâce de l’Esprit, qui suffit durant tant d’années à tout ce vaste univers : et elle ne se trouve point par là réduite ni tarie : elle comble tous les hommes de trésors et de grâces, sans jamais s’épuiser. Ensuite, comme ce mot Esprit s’applique à beaucoup de choses, aux anges, aux âmes, aux vents, et à d’autres objets encore, le Psalmiste a soin de dire mon Esprit. L’esprit de l’homme tient à l’homme même : il en est de même de l’Esprit de Dieu, malgré la distinction des personnes. De là ces mots de Paul : « Qui des hommes sait ce qui est dans l’homme, sinon l’esprit de l’homme, qui est en lui ? Ainsi, ce qui est en Dieu, personne ne le connaît que l’Esprit de Dieu (1Cor. 2, 11) :» il ne confond pas les personnes, à Dieu ne plaise ! mais il fait voir la noblesse de l’Esprit.
Aussi grand est l’accord de l’âme avec elle-même, aussi grande la parenté de l’Esprit avec le Père. En conséquence, de même que le Fils est appelé Verbe, non qu’il ne soit pas une personne, mais afin de montrer sa parenté avec le Père : de même l’Esprit de Dieu porte le simple nom d’Esprit, tout en restant une Personne. Et, ainsi que le Fils, en sa qualité de Fils par naissance, fait de nous des fils par adoption : de même l’Esprit, comme étant de substance divine, nous octroie les grâces. Si un homme peut tracer une image d’homme, n’est-ce point comme étant homme lui-même ? « À cause de cela Dieu vous a béni pour l’éternité. Pour cela », dit un autre.
Voyez-vous comment, dans sa ferveur, il continue de s’adresser à lui. C’est par le même motif qu’ailleurs il revêt sa prophétie des formes du reproche, par exemple quand il dit : « Pourquoi les nations ont-elles frémi, les peuples ont-ils médité des choses vaines (Ps. 2,1) ? » il dit ici : « A cause de cela Dieu vous a béni pour l’éternité. » Sans avoir rien dit de sa naissance, de son éducation, des autres événements de sa vie, il se met brusquement à parler de lui. Pourquoi cela ? Parce que raconter les faits dans leur ordre, c’est l’affaire des évangélistes. Voilà pourquoi le Prophète leur réserve ces sujets, qui appartiennent à leur relation. Quant à la prophétie, son rôle est de détacher certaines parties et de s’y arrêter. Aussi les prophètes font-ils partout de même ; ils s’emparent de quelques faits historiques, en tracent une esquisse, et passent. C’est pourquoi le Psalmiste se borne à dire : « Dieu vous a béni pour l’éternité », indiquant ainsi la grâce infinie qui remplissait ses paroles. Observez maintenant le pouvoir de la grâce : « Jésus marchait un jour sur le rivage de la mer ; il trouve Jacques et Jean, et leur dit : Venez derrière moi, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » (Mt. 4,21-22) Et eux, ayant laissé leur père et leurs filets, ils le suivirent. Une autre fois, il dit à tous ses disciples : « Est-ce que vous voulez, vous aussi, vous en aller ? » Pierre lui répondit. Seigneur, vous avez des paroles de vie éternelle, et nous avons cru, et nous avons connu que vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ; et à qui irions-nous ? » (Jn. 6,68, 74). – Et pourquoi citer les disciples ? Les pharisiens mêmes ayant envoyé des archers, en reçurent cette réponse : « Jamais homme n’a parlé