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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/57

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vaut notre rappel. Une vierge nous avait fait chasser du paradis, une vierge nous procure la pie éternelle. Ce qui nous avait fait condamner nous fait couronner. – Voilà ce que le Prophète a en vue, lorsqu’il dit : « Votre main vous guidera merveilleusement. » À quoi bon des armes, une épée, un arc, des flèches ? voyez-vous que sa nature, sa puissance se suffisent à elles-mêmes ? Mais voici que pareil à un bon danseur, il quitte les hauteurs pour descendre à des choses plus humbles. « Vos traits dont aiguisés, puissant. Les peuples tomberont sous vous au cœur des ennemis du roi (6). » Un autre dit : « Dans le cœur, les ennemis du roi. »
Considérez comment, en faisant mention des traits, il a soin de nommer « Puissant » celui à qui il s’adresse, afin de vous faire comprendre que les traits lui sont inutiles. Qu’il se suffit à lui-même. Voici la suite des idées ; « Vos traits sont aiguisés, puissant, dans le cœur des ennemis du roi. » Quant au membre de phrase : « Les peuples tomberont sous vous », c’est une parenthèse. Je vois deux manières d’expliquer ce passage, ou bien il s’agit de l’asservissement des Juifs, de la prise et de la ruine de leur capitale, ou bien les traits sont une figure pour désigner le pouvoir de la parole. La parole, en effet, plus vite que la flèche, a fait le tour de l’univers entier, elle a frappé au cœur ceux qui jusque-là avaient été les ennemis du R. non pour les faire périr, mais pour les gagner : c’est ce qui arriva pour Paul. Car ce ne serait point se tromper que d’appeler trait cette parole qui, lancée du ciel, toucha ce cœur jusqu’alors hostile, et le rendit ami : « Les peuples tomberont sous cous. » Voyez-vous le succès de la guerre, la soumission des révoltés, la prédication, l’initiation ? Car telle est la soumission dont il s’agit ici : être soumis à Dieu, c’est le fondement et le principe de toute élévation. Ainsi donc, il les a délivrés de tout orgueil, de toute vaine gloire, des erreurs suggérées Par les démons, et se les est soumis. C’est dans le même sens qu’un autre prophète nous le fait voir ensanglanté : voici ses paroles : Quel est cet homme qui arrive d’Edon ? la « rougeur de ses vêtements vient-elle de Boror ? » (Is. 63,1) Point d’armes ici, d’arc, de flèches, mais des vêtements. L’expression est grossière encore, moins cependant que l’autre : et cependant jusque dans l’insuffisance de ce langage le Prophète trouve moyen d’élever notre pensée peu à peu aux choses incorporelles. En effet, à cette question, d’où vient la rougeur de ses vêtements, voici la réponse : « J’ai foulé un pressoir tout seul. » C’est indiquer la facilité de la victoire, l’absence de tout auxiliaire, la force suffisante que le combattant a trouvée en lui-même. De même qu’il dit ici : « Votre bras vous guidera miraculeusement », de même en cet endroit : « J’ai foulé un pressoir tout seul. » Autant il est facile, en effet, à un vendangeur d’écraser des raisins, autant il est aisé à Dieu d’accomplir ses volontés : ou plutôt, cela lui est beaucoup plus aisé. « Votre trône, Seigneur, subsistera éternellement. Le sceptre de votre règne est un sceptre de droiture » Vous « avez aimé la justice et haï l’iniquité. C’est « pour cela que Dieu, votre Dieu vous a oint d’une huile de joie entre tous ceux qui y ont part avec vous (8). » Un autre traduit : « Votre trône, ô Dieu est éternel, et au-delà. » Le texte hébreu pour « Dieu, votre Dieu » pour Eloïm, Eloach. À cela que peut objecter le Juif ? A qui s’appliquent ces paroles ? Et l’hérétique ? Prétendra-t-il que c’est (lu Père qu’il est dit : « Votre trône, ô Dieu, subsiste éternellement. » Mais alors comment accorder avec cela ce, qui suit : « Pour cette raison, Dieu, votre Dieu vous a oint ? » Le Père n’est pas oint, il n’est pas oint comme le Christ. Il est donc évident qu’il s’agit ici du Fils unique, à qui s’applique déjà ce qui précède. C’est la même pensée qu’Isaïe exprime en disant : « Son règne n’aura pas de fin. » (Is. 9,7)
8. Mais peut-être demandera-t-on comment il se fait que le prophète parle ici de la Divinité même, lui qui précédemment ne parlait que de la Divinité incarnée ? Saint Matthieu « ne fait pas autrement. Il commence suivant la chair, et voici son début : « Livre de la généalogie de Jésus-Christ. » De même saint Luc et saint Marc ; saint Jean seul procède autrement : il commence par placer sur le terrain de la Divinité : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » Puis il ajoute : « Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous (14). » S’il s’y est pris autrement que ses autres dans la rédaction de l’Évangile, cela ne l’a pas empêché de se montrer tout à fait d’accord avec eux. Et comment, dira-t-on, peut-il y avoir