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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/69

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un auguste enseignement : applaudir et claquer des mains, c’est plutôt le fait d’un habitué de théâtre ou de banquets, tandis que ce qui convient à des hommes élevés dans la grâce du Saint-Esprit c’est le calme et la décence. Quel est donc le sens, de cette parole, de quels cris, de quels applaudissements veut donc parler le Prophète ? Car c’est là l’habitude des soldats qui entrent en ligne de bataille et se préparent à combattre, je parle de ces cris et de ce grand bruit qu’ils font entendre pour intimider l’ennemi, tumulte bien étranger à la sérénité de l’âme chrétienne. Or le psaume nous commande de faire ces deux choses, d’applaudir et de crier. Que signifie cela ? Ce n’est pas autre chose qu’une démonstration de joie, qu’un symbole de victoire. Ailleurs le prophète ne nous montre-t-il pas aussi les fleuves applaudissant ? « Les fleuves », dit-il, « battront des mains à cette vue. » (Ps. 97,9) Isaïe en dit autant des arbres (Is. 55,12) ; il nous représente aussi les collines et les montagnes bondissant (Ps. 113,4), non pas pour nous faire croire que les collines et les montagnes bondissent, ou due les fleuves applaudissent et qu’ils ont des mains (ce serait le comble de la sottise), mais pour nous peindre une joie excessive. C’est ce qu’on peut voir même chez les hommes. Et pourquoi n’a-t-il pas dit : Réjouissez-vous et bondissez, mais : Battez des mains, et poussez des cris de joie ? Parce qu’il nous fait comprendre que c’est le signe d’une joie extrême. De même que le Christ, quand il dit (Mt. 6, 17) : « Mais vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête, et lavez, votre visage », ne nous invite pas à faire usage es essences (car nul parmi nous n’a cette habitude), mais à témoigner que nous sommes dans la joie et que la gaîté règne dans notre cœur (il veut en effet qu’on jeûne non pas avec la tristesse, mais avec la joie peinte sur le visage), de même en cette circonstance on nous ordonne, non pas de battre des mains, mais de montrer notre joie et notre bonheur en chantant le psaume. Il serait juste de rechercher plutôt dans ce psaume le sens anagogique, en se mettant au-dessus du fait historique. Car s’il commence et s’il débute par des images sensibles, il mène cependant l’auditeur dans les régions de l’idée pure.
Ce que j’ai dit plus haut, je vais le répéter il est des expressions qu’on doit prendre au pied de la lettre, il en est d’autres qu’on ne doit admettre qu’avec un sens différent du sens littéral ; comme dans ce cas-ci : « Les loups et les brebis paîtront ensemble. » (Is. 2,6) Nous n’irons pas croire qu’il s’agisse en réalité de loups et dé brebis, pas plus que de paille, de bœufs ou de taureaux. C’est une image qui, par la comparaison avec les animaux, nous sert à caractériser les mœurs des hommes. D’autres passages ont une double acception, une sensible pour l’imagination, et une intelligible pour l’entendement : comme nous faisons quand nous interprétons dans le sens mystique ce qui concerne le fils d’Abraham. Nous savons qu’il fut offert en sacrifice (Gen. 22), et dans ce sacrifice du Fils notre esprit distingue un sens caché, il devine qu’il s’agit de la Croix. De même l’immolation de l’agneau pascal en Égypte est pour nous une image de la Passion. (Ex. 12) C’est aussi ce que nous devons faire dans la circonstance présente. Car on ne parle pas seulement des Arabes et des peuples voisins, c’est un appel qui s’adresse à toutes les nations : « Parce que le Seigneur est le Très-Haut, celui qu’on doit redouter, parce qu’il est le grand Roi qui règne sur toute la terre. » Dès le début l’attention de l’auditeur s’éveille à l’annonce de tant de biens, et devant cette convocation solennelle de la terre entière, devant cette fête à laquelle Dieu et le Saint-Esprit prennent part, pour ainsi dire, devant cette sainte doctrine qui descend des cieux vers nous. Aussi nous dit-on « Applaudissez » c’est-à-dire « réjouissez-vous, bondissez de joie. » Telle est en effet l’invitation que nous adresse l’Évangile quand il dit : « Bondissez de joie. » (Lc. 6,23) En réalité il ne nous invite pas à sauter, à bondir (ce serait une inconvenance) : il nous peint la joie dans toute sa vivacité. Et certes l’événement dont il s’agit mérite qu’on s’en réjouisse beaucoup. Car toutes les terres que voit le soleil, l’Évangile les a parcourues, et l’univers a été sauvé, et ceux qui auparavant étaient les esclaves de l’erreur ont suivi une religion supérieure au culte des Juifs. « Vous toutes, ô nations, battez des mains ! » Que ces mains, dit-il, ces mains impures, sacrilèges, que souillait chaque jour le sang répandu dans d’immondes sacrifices, ces mains avec lesquelles vous avez immolé des enfants, ces mains qui n’ont pas reculé devant l’infamie, qui ont violé la nature elle-même, que ces mains applaudissent aujourd’hui. « Témoignez