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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/73

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leurs ennemis à qui ils persuadaient de sacrifier leur vie et de braver désormais tous les dangers pour la doctrine qu’ils venaient leur enseigner. « Il a choisi dans nous son héritage ; savoir, la beauté de Jacob qu’il a aimée. » Un autre dit « la glorification de Jacob. » Voyez combien cette prophétie est exacte. Plus haut il a été dit : « Il nous a assujetti les peuples et les nations. » D’abord en effet les Juifs se sont approchés, d’abord au nombre de trois mille, puis au nombre de cinq mille, ensuite est venu le tour des nations. Car Jésus disait aussi : « J’ai d’autres brebis, et il me faut les amener, et il n’y aura qu’un troupeau et qu’un pasteur. » (Jn. 10,16) Ensuite pour que ces mots : « Il a choisi dans nous son héritage », ne vous troublent ni ne vous inquiètent, et ne vous donnent pas l’idée de vous écrier : Comment donc se fait-il que les Juifs soient encore incrédules ? il y a joint un correctif destiné à vous sortir d’embarras. Quant à lui c’était surtout les Juifs qu’il avait en vue, et, en ce qui le concerne, il n’en a laissé aucun. Si vous voulez connaître toute sa pensée, écoutez ce qui suit immédiatement, car il ajoute « à savoir la beauté de. qu’il a aimée. » Par ces mots il me semble désigner les fidèles, comme saint Paul lorsqu’il disait : « Ce n’est pas que la parole de Dieu soit tombée, hors du sillon : car tous ceux qui descendent d’Israël, ne sont pas pour cela Israélites ; mais Isaac sera ton fils. C’est-à-dire que les enfants selon la chair ne sont pas pour cela les enfants de Dieu ; mais que ce sont les enfants de la promission qui sont comptés au nombre de ses enfants. » (Rom. 9,6-8)[1] On peut dire que les fidèles sont la beauté du peuple. En effet, quoi de plus beau que ceux qui ont cru ?
Il appelle une nation son héritage, non qu’il ait jamais négligé les autres, mais il veut montrer l’intensité de son amour pour ce peuple, son désir de se l’attacher, la façon particulière dont il se l’était approprié, et la providence spéciale qui s’étendait sur lui. Et pour mieux vous rendre compte de la véracité du Prophète, voyez comme il se sert du langage populaire, de ce langage usité dans les marchés. Bien souvent ceux qui viennent acheter appellent « beaux » les objets qui sont de meilleure qualité que les autres.
C’est donc pour montrer que tous ne seront pas sauvés qu’il dit « à savoir la beauté de Jacob. » Pensée qu’on découvre encore dans les Évangiles à travers mille paraboles. Dieu « est monté au milieu des cris de joie (6). » On n’a pas dit Dieu a été enlevé, mais « est monté : » montrant par là qu’il n’a pas eu besoin d’une main étrangère pour s’élever en haut, mais qu’à lui seul il a su se frayer sa route. Élie qui eut moins de chemin à parcourir que le Christ, fut entraîné par une force autre que la sienne. (2R. 2,11) Car il n’était pas au pouvoir d’un simple mortel de se transporter sur une route interdite à tous les hommes. Le Fils unique est monté par l’effet de sa propre puissance. C’est ce qui fait dire à saint Luc : « Et ils le regardaient fixement pendant qu’il s’élevait vers les cieux. » (Act. 1,10) Il n’a pas dit : pendant qu’on l’enlevait ou pendant qu’on l’emportait, car il s’élevait tout seul. Et si, avant qu’il fût mis en croix, les eaux l’ont porté quand il était encore enfermé dans un corps lourd et sur lequel avaient prise les maux de l’humanité, quoi d’extraordinaire s’il a fendu les airs quand il n’avait gardé que la partie incorruptible de son être ?
Mais pourquoi ces mots : « Au milieu des cris de joie ? » Est-ce qu’on a poussé des cris de joie quand il est monté ? Tout s’est passé en silence, et il n’y avait de présents que ses onze disciples. Vous voyez bien qu’il ne faut pas prendre les Écritures au pied de la lettre, il faut encore comprendre le sens caché qu’elles renferment. Ce que je disais, en commençant l’explication de ce psaume que cette expression : « cris de joie », désignait quelque autre chose, à savoir la victoire et le triomphe, je dois le répéter à l’occasion de ce passage, où il est dit, qu’il monta « au milieu des cris de joie », c’est-à-dire au sein de la victoire, après avoir terrassé la mort, renversé le péché mis les démons en fuite, banni l’erreur, après avoir tout changé pour tout améliorer, après avoir rendu à l’humanité son ancienne patrie, ou plutôt une patrie bien plus belle. Quand il s’est montré, rien ne lui a résisté, ni la tyrannie du péché, ni là puissance de la mort, ni la force de la malédiction, ni l’intensité de la corruption et du mal, ni aucune des choses semblables ; mais il a brisé tout cela comme une toile d’araignée, et les phalanges des démons, et les efforts du diable, il a tout vaincu et ne s’en est allé qu’après avoir mené

  1. Saint Jean Chrysostome a passé quelques mots de l’épître aux Romains.