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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/72

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tandis qu’il est roi en réalité. Il est un grand roi lui qui a fait descendre le ciel sur la terre, qui des barbares a fait des philosophes et leur a inspiré le désir d’imiter les anges. « Il nous a assujetti les peuples, et a mis les nations sous nos pieds. » O prodige ! à ceux qui l’ont mis en croix, il a persuadé qu’ils devaient l’adorer, à ceux qui l’insultaient, qui le blasphémaient, qui étaient attachés à des idoles de pierre, il a enseigné qu’il fallait sacrifier leur vie pour ses doctrines. Si les apôtres ont réussi, ils l’ont dû non pas à eux-mêmes mais à celui qui leur ouvrait le chemin, et qui donnait l’élan à leur âme. Et comment le pêcheur ou le faiseur de tentes auraient-ils changé la face de ce globe immense, si sa parole n’avait supprimé les obstacles ? Magiciens, tyrans, orateurs, philosophes, en un mot tous leurs adversaires étaient devant eux comme de la poussière et comme de la fumée qu’ils ont dispersées et dissipées : c’est ainsi qu’ils ont semé la lumière de la vérité, sans avoir recours aux armes ou aux richesses, et en se servant de la parole toute seule ; ou plutôt leur parole n’était pas toute seule, elle était plus puissante que toute action. Et comment ? Ils invoquaient le nom du Crucifié et la mort disparaissait, et les démons prenaient la fuite, les maladies cessaient, les infirmes recouvraient la santé, le mal était chassé, les dangers supprimés, les éléments confondus.
Quand donc on nous dira : Pourquoi ne s’est-il pas secouru lui-même sur la croix ? répondons que ceci même est plus admirable. Car les conséquences n’auraient pas été les mêmes s’il était descendu de la croix, au lieu d’y rester pour qu’ensuite son nom eût le pouvoir de ressusciter un si grand nombre de morts. Ce qui prouve qu’alors, s’il resta sur la croix, ce fut de sa propre volonté, ce sont les événements qui suivirent. Celui qui arracha à la mort ceux dont elle s’était emparée avait encore plus la : puissance de la chasser avant qu’elle se fût abattue sur lui : lui, qui donna la vie aux autres, pouvait encore plus se la donner à lui-même, ce qu’il fit lorsque trois jours après il usa de sa toute-puissance pour se ressusciter. Et cela il l’a prouvé par ce qui suivit, puisque son nom, lorsqu’il s’est agi du corps des autres, a eu assez de pouvoir pour mettre la mort en fuite quand on l’a invoqué, on ne saurait mettre en doute que, quand il s’est agi de lui-même, il aurait pu déployer sa puissance et dompter la mort. « Il nous a assujetti les peuples et a mis les nations sous nos pieds. » Voyez la sagesse du Prophète qui dit tout avec exactitude. Car cette réflexion des apôtres : « Pourquoi nous regardez-vous, comme si c’était par notre puissance ou par notre piété que nous avons fait marcher ce boiteux (Act. 3,12) ? » nous la retrouvons longtemps auparavant chez le Prophète. Ces mots « sous nos pieds » montrent l’assujettissement, ou plutôt un grand assujettissement. Et si vous voulez savoir la mesure de cet assujettissement, écoutez : « Tous ceux qui se trouvaient posséder des champs ou des maisons, les vendaient et en apportaient le prix qu’ils déposaient aux pieds des apôtres. » (Act. 4,34) D’autres sacrifièrent et leurs richesses et leur vie. Car il est dit : « Ils ont exposé leur tête pour me sauver la vie. » (Rom. 16,4) Dans une autre épître il est encore dit : « Vous étiez prêts, si cela eût été possible, à vous arracher les yeux pour me les donner. » (Gal. 4,15) En écrivant aux Corinthiens le même saint Paul leur disait « Considérez coin bien cette tristesse, selon Dieu, que vous avez ressentie, a produit en vous non seulement de soin et de vigilance, mais de satisfaction envers vous-mêmes, d’indignation contre cet incestueux, de crainte de la colère de Dieu, de désir de nous revoir, de zèle pour nous défendre, d’ardeur à venger ce crime. » (2Cor. 7,11) Tellement on craignait, on redoutait les apôtres ! Saint Luc lui aussi écrivait : « Aucun des autres n’osait se joindre à eux, mais le peuple leur donnait de grandes louanges. » (Act. 5,13) Ailleurs, il est dit : « Que voulez-vous ? Irai-je vers vous la verge à la main, ou avec un esprit de douceur et de charité ? » (1Cor. 4,21)
4. Avez-vous vu l’autorité et la puissance des apôtres ? Or tout cela était l’œuvre des paroles qu’il avait prononcées en les congédiant : « Je suis avec vous. » (Mt. 28,20) C’était lui qui marchait devant eux et détruisait les obstacles, c’était lui qui apprivoisait tous les cœurs et qui changeait la résistance en docilité. Cependant la guerre régnait partout, ce n’étaient partout qu’écueils et que précipices, on ne savait où appuyer le pied, où se tenir ferme. Tous les ports étaient fermés, toute maison close, toutes les oreilles sourdes. Cependant à peine s’étaient-ils avancés et avaient-ils parlé qu’ils avaient renversé les remparts élevés par