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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/91

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prendre à leurs pièges. Quoi de plus insensé que l’homme qui, en pure perte et pour le malheur de sa tête, parcourt toute la terre, et amasse d’immenses richesses, non pas pour lui-même, mais pour d’autres qu’il ne connaît pas, et souvent pour ses ennemis, pour ceux qui trament sa ruine ! Oui, il a eu raison de dire : « Ils laisseront leurs biens à des étrangers. » Quoi de plus insensé que de s’exposer aux fatigues et aux péchés qui sont la suite de la poursuite des richesses, pour laisser à d’autres la jouissance de ces mêmes richesses !
Ensuite le Psalmiste, en même temps que leur cupidité ; met en scène leur amour de la vaine gloire qu’il stigmatise avec une grande véhémence en disant : « Ils ont appelé leurs terres de leur nom. » Quoi de plus stupide que ces gens qui confient leur mémoire à des pierres, à des poutres, à la matière inanimée, qui leur remettent le soin de leur propre gloire ! Ces mêmes hommes ont renversé des familles de fond en comble, ont dépouillé des veuves, pillé des orphelins afin de bâtir pour les vers une superbe demeure, et de construire pour la pourriture et pour la corruption de superbes enceintes, et tout cela dans l’idée que ces monuments rendront leur mémoire éternelle, monuments qui n’ont pas même pu arrêter un instant la dissolution de leur corps ! – Leur propre voie est un scandale pour eux, (14). »
Quelle est cette voie, dites-moi ? C’est l’empressement que l’on met à s’occuper de pareilles choses, c’est ce travail inutile, c’est cette ardente passion des richesses et cette soif insatiable de gloire. De là, dit le Prophète, du scandale et des empêchements pour eux dès cette vie, en attendant le châtiment que leur réserve l’avenir. Cette voie n’est donc pas un petit scandale, un petit empêchement, un petit obstacle pour la pratique de la vertu. Aussi le Prophète dit-il : « Leur voie est un scandale pour eux. » Et il a bien fait d’appeler leur voie, un scandale. Ils s’enchaînent eux-mêmes, ils se mettent eux-mêmes des entraves : « Et après cela leur bouche répétera leurs propres louanges. » Ces paroles nous signalent la plus fâcheuse des inconséquences humaines, celle qui entraîne tous les autres maux à sa suite. En effet, ceux qui commettent une telle erreur, qui commettent un tel péché et tombent dans une telle observation, se félicitent ; s’admirent eux-mêmes, se posent comme des modèles à imiter ; et se complaisent dans leurs actions : or, songez quelle excitation c’est pour les mauvais désirs, que de voir le vice vanté par ceux qui s’y livrent. Si le vice honni, insulté, confondu, si le vice flagellé, déchiré, détesté par la conscience de ceux qui sont encore un peu maîtres d’eux-mêmes, s’épanouit avec tant d’impudeur et s’il grandit de jour en jour : dans quels excès les hommes dont nous parions ne tomberont-ils pas, quand ils verront que, bien loin d’opposer comme une digue aux débordements du vice, les reproches, le témoignage de la conscience, le blâme, le repentir, la honte, le désir de se soustraire aux regards, les gémissements, les plaintes, ceux qui se livrent au vice font tout le contraire, qu’ils se comblent eux-mêmes de louanges, qu’ils se prétendent par leurs vices mêmes supérieurs aux autres hommes, et qu’ils se vantent de ce qu’ils ont fait, car tel est le sens de cette parole : « Et après cela leur bouche répétera leurs propres louanges », ces hommes-là, je le répète, dans quels excès une tomberont-ils pas ? Car ils sont tellement dévoyés, ils ont si bien perdu tout sens moral-, que même après avoir assouvi leurs désirs ; dans de moment, où voyant le mieux leur crime, ils devraient rougir, ils sont tout fiers, portent la tête haute et se complaisent dans ce qu’ils ont fait. Tel est le péché : avant l’action il se dissimule sa propre laideur, et l’ivresse du plaisir fait disparaître ce qu’il a de repoussant ; après l’action, quand le plaisir que nous causent nos désirs satisfaits va s’affaiblissant peu à peu, que la conscience commence à : se faire entendre, et qu’elle flagelle nos sophismes réduits à leurs seules forces, alors surtout nous voyons les funestes conséquences du péché. Mais eux ne sentent rien de tout cela, même après que leurs désirs sont satisfaits. Loin de là, c’est précisément après avoir vu leurs richesses s’accumuler, leurs tombeaux s’élever, leurs vaines et fastueuses constructions s’achever, lorsqu’ils.devraient s’attrister et gémir, c’est alors, c’est après tout cela, après l’action, après la satiété qu’ils sont plus malades encore. Ainsi donc puisqu’il n’y a plus rien de sain chez eux, il ne reste plus qu’à laisser intervenir la Providence.
9. Si ceux qui se condamnent eux-mêmes pour les fautes qu’ils ont commises, préviennent ainsi la justice de Dieu, comme l’a dit saint Paul : « Si nous, nous jugions nous-mêmes,