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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/98

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s’élancèrent à la conquête du monde : c’est là qu’ils commencèrent à donner des signes de leur mission : là, eurent lieu la résurrection et l’ascension ; là, fut l’exorde et le commencement de notre salut : c’est là que l’on commença à prêcher les saints mystères. Là pour la première fois le Père se révéla, le Fils unique se fit connaître, l’Esprit répandit sa grâce sur les hommes. C’est là que les apôtres parlèrent des aloses incorporelles, des grâces, des puissances, et des biens qui nous étaient promis pour l’avenir. Le Prophète songeait à tout cela quand il appelait Sion la splendeur de Dieu. Car ce qui fait la beauté et la splendeur de Dieu, c’est sa bonté, son amour pour les hommes, sa bienveillance répandue sur tous. « Dieu, notre Dieu, viendra manifestement, et il ne gardera pas le silence »
Voyez-vous comme le langage du Prophète devient de plus en plus clair, comme il nous découvre le trésor de ses secrets, et comme il darde des rayons plus brillants quand il prononce ces mots : « Dieu viendra manifestement ? » Quand donc est-ce qu’il n’est pas venu manifestement ? Quand ? La première fois qu’il vint ici-bas, car il vint sans bruit alors, sans être vu du plus grand nombre et pendant longtemps sans en être reconnu. Que dis-je, du plus grand nombre ? La vierge même qui l’enfanta ignorait le secret du mystère[1], ses frères mêmes ne croyaient pas en lui, celui qui paraissait être son père ne se doutait nullement de sa grandeur.
2. Et pourquoi parlé-je des hommes ? Il ne fut même pas reconnu du diable, car s’il avait su qui il était, il ne lui aurait pas dit sur la montagne : « Si tu es le Fils de Dieu », et ces paroles il les prononça une et deux et trois fois. (Mt. 4,3, 6) Aussi Jésus lui-même dit-il à Jean qui commençait à découvrir ce qu’il était : « Cesse immédiatement (Mt. 3, 15) ; » c’est-à-dire, tais-toi maintenant, le moment n’est pas encore venu de découvrir le secret de mon incarnation, je veux continuer d’échapper aux regards du diable ; tais-toi donc, dit-il : « Car il nous convient qu’il en soit ainsi. » Et en descendant de la montagne il recommandait à ses disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ. (Mt. 17,9) Car il allait alors comme le pasteur qui cherche sa brebis errante et qui tend des pièges à la bête indocile pour s’en emparer ; aussi s’enveloppait-il des ombres du mystère. Comme le médecin qui évite tout d’abord d’effrayer le malade, il ne voulut pas se manifester dès le début, mais insensiblement et peu à peu. Ce qui fait dire plus loin au même prophète, quand il veut taire allusion au peu de bruit de son arrivée : « Il descendra comme la pluie sur la toison et comme la goutte d’eau sur le sol. » (Ps. 71, 6) Il est venu sans bruit, sans troubler, sans agiter la terre, sans lancer d’éclairs, sans ébranler le ciel, sans se faire accompagner du peuple des anges, sans briser le firmament parle milieu pour descendre ensuite porté par les nuages. Non, il est venu en silence, conçu par une vierge, porté neuf mois dans son sein, il naît dans une étable comme le fils d’un simple artisan, dans ses humbles langes il est exposé aux complots, il fuit avec sa mère en Égypte. Ensuite il revient, après la mort de celui qui avait commis toutes ces impiétés et il continue d’aller et de venir sous l’apparence d’un homme du peuple ; humbles étaient ses vêtements, plus humble était sa table, il marchait, il marchait sans cesse au point d’en être fatigué. Mais au jour marqué par le Prophète, il ne viendra pas ainsi, il viendra si manifestement qu’il n’aura pas besoin d’un héraut pour annoncer sa venue. Aussi, pour faire comprendre l’éclat de sa présence, disait-il lui-même : « Si l’on vous dit : Le voici dans le lieu le plus retiré de la maison, n’y entrez point. Si l’on vous dit : Le voici dans le désert, ne sortez point pour y aller. Car, comme un éclair qui sort de l’Orient et paraît tout d’un coup jusqu’à l’Occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’homme. » (Mt. 24,26, 27) Il se montrera et s’annoncera lui-même. C’est ce qui a lieu quand l’éclair paraît et nous n’avons pas besoin qu’on nous l’annonce. Au moment même où il se montre il est vu de tous et de tous à la fois. C’est ainsi que saint Paul dit : « Car aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l’archange et par le son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel. » (1Thes. 4,15) Le Prophète le voyait ainsi porté par les nues, avec le torrent qui roule devant lui, avec le terrible tribunal où chacun doit rendre de sa vie un compte inévitable. C’est alors, alors que viendra l’heure du jugement et des débats, aussi apparaîtra-t-il non plus comme un médecin, mais comme un juge. Aussi Daniel

  1. Il y a lieu de s’étonner de ce que dit ici saint Chrysostome, la Vierge connaissait le mystère puisque l’ange le lui avait révélé.