Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/149

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biens : défendez l’honneur, la vie du peuple Romain : et cessez, Pères Conscrits, de vous alarmer pour moi. Je dois espérer que les Dieux, qui protègent Rome, voudront bien avoir égard à mes services. Mais si la mort se présente à moi, elle me trouvera disposé à la recevoir. Jamais la mort ne sauroit être, ni honteuse pour qui a de la fermeté, ni prématurée pour qui a été honoré du Consulat, ni fâcheuse pour un homme sage. Je ne pousse pas cependant la dureté jusqu’à n’être pas ému de la douleur, dont est pénétré à mes yeux un frère qui m’est cher, et à qui je le suis. J’ai peine à soutenir les larmes que je vois répandre autour de moi. Je rentre dans le sein de ma famille, où je trouve une femme consternée, une fille saisie de frayeur, un fils d’un âge encore si tendre, dans qui Rome croit avoir comme un otage[1] de mon Consulat. Je vois ici mon gendre, qui attend, non sans une mortelle inquiétude, l’issue de cette journée. Tous ces objets, il faut que je l’avoue, font impression sur moi. Mais ce qu’opère ma sensibilité, c’est que j’aime mieux sauver, au prix de mon sang, et la République et ma famille, que de les voir englouties avec moi l’une et l’autre dans le même précipice.

4. Ainsi songez. Pères Conscrits, aux intérêts de la République, et voyez quelles tempêtes fondront sur elle, si vous ne les détournez. Il s’agit ici de prononcer sur la peine due, non pas à ce Gracchus, qui brigua une seconde fois la charge de Tribun du peuple ; non pas à cet autre Gracchus, qui, au sujet des terres dont il demandoit

  1. C’est-à-dire, comme un gage de sa fidélité à remplir les devoirs d’un Consul. Alors son fils, dont la naissance est rapportée dans la première de ses lettres à Atticus, étoit encore au berceau.