Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/61

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fané et souillé par sa perfidie la sainteté même de la députation ? Quelle condamnation sera prononcée contre lui ?

Supposons que Sextus l’eût chargé en son nom de suivre cette affaire et d’interposer ses bons offices auprès de Chrysogonus, et qu’après avoir accepté cette délégation, Capiton eût détourné à son profit la somme la plus modique, l’arbitre ne le condamnerait-il pas à restituer l’argent et à perdre l’honneur ?

Or ici, ce n’est pas Sextus qui l’a chargé de ses intérêts ; mais, ce qui est bien plus, les magistrats d’Amérie lui ont confié l’honneur, la vie et les biens de Sextus ; et Capiton ne s’est pas seulement approprié une partie de ses biens, il l’a tout à fait dépouillé : trois terres sont le prix qu’il a mis lui-même à sa trahison ; il n’a pas plus respecté le vœu des décurions et de tous ses concitoyens que ses propres engagements.

XL. Suivez cet examen, et vous verrez qu’il n’est point de crime dont il ne se soit rendu coupable. Tromper un associé dans les plus petites choses est une action honteuse, et non moins infâme que cet abus de confiance dont je viens de parler. Et cela doit être : on ne se met en société avec un autre que pour se donner un appui. Où nous réfugier, si le coup qui nous blesse est parti de celui même en qui nous avions placé notre confiance ? Or, le crime qui doit être le plus rigoureusement puni, c’est celui contre lequel il est le plus difficile de se prémunir. Nous pouvons nous cacher à des étrangers ; mais il n’est point de secrets pour l’intimité. Eh ! comment se précautionner contre un associé ? Le craindre, c’est déjà manquer au devoir. Nos ancêtres ont donc jugé avec raison que l’associé infidèle ne peut être compté au nombre des honnêtes gens.

Or, Capiton n’a pas seulement trompé un associé dans quelque affaire d’intérêt ; ce crime, quel qu’il soit, serait moins impardonnable ; mais il a séduit, il a trahi, abandonné, livré aux adversaires, abusé par les artifices et la perfidie la plus noire neuf citoyens respectables, nommés avec lui pour remplir la même fonction et le même devoir, chargés d’une mission qui leur était commune : et ces hommes n’ont pu rien soupçonner de son crime ; ils n’ont point dû se défier d’un collègue ; ils n’ont point vu sa méchanceté ; ils ont ajouté foi à ses paroles mensongères. Aussi, grâce à ses artifices, ces députés honnêtes sont accusés aujourd’hui d’avoir manqué de prudence et de précaution. Et ce traître, ce transfuge, ce misérable qui a commencé par révéler aux adversaires les desseins de ses collègues, et qui a fini par s’associer lui-même aux adversaires, prétend nous faire peur ! il ose nous menacer, enrichi de trois terres, honteux salaire de son crime ! Juges, dans les horreurs d’une telle vie, dans cet amas de forfaits, vous trouverez aussi le meurtre sur lequel vous avez à prononcer.

Quand vous voyez réunis tous les excès de la cupidité, de l’audace, de la méchanceté, de la perfidie, pensez que ce crime aussi est caché dans cette foule de scélératesses. Que dis-je ? il apparaît ouvertement, il se montre en évidence ; nous ne le présumons pas d’après leurs crimes prouvés