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AVANT-PROPOS

c’est affaiblir l’autorité scientifique de l’édition. D’autre part, il faut bien donner les raisons pour lesquelles on a préféré telle leçon à telle autre. De là, d’interminables discussions philologiques. L’esprit s’y noie ; et s’il est un lecteur assez courageux pour s’y engager, il risque d’y perdre le sentiment littéraire, pour acquérir, sur des points insignifiants, un savoir ingrat et qui n’est rien moins qu’assuré. C’est peut-être le défaut des philologues de profession de se tromper sur les besoins du lecteur, et de lui prêter leurs propres scrupules et leurs incertitudes. Il faut dire de cette philologie ce que Bossuet, dans sa préface du discours sur l’Histoire universelle, dit de la chronologie minutieuse, « qui a bien son usage, dit-il, mais qui n’est pas propre à éclairer l’esprit d’un grand prince ; » ajoutons, ni celui d’un simple particulier.

S’agit-il d’un travail d’annotations historiques ? Le champ n’a guère plus de limites. Où s’arrêter ? Où poser la borne du nécessaire ? Quel fardeau stérile pour la mémoire, par exemple, que ces généalogies de tous les noms subalternes qui ont été mêlés par le hasard aux événements et aux personnages principaux ! À quoi bon des éclaircissements sur des passages où le lecteur, abandonné à lui-même, ne sentirait pas le besoin d’être éclairé ? C’est le danger de la philologie minutieuse, d’insister là où l’auteur n’a voulu que glisser, et d’imaginer de grands desseins où il n’y a peut-être que de la négligence. Il semble que la plupart des travaux de ce genre aient pour but de donner les moyens de faire facilement des livres médiocres, plutôt que d’apprendre à goûter les bons.

Si notre édition n’a pas le mérite d’une édition scientifique, s’il n’y faut pas chercher les qualités d’ailleurs estimables qui recommandent ces sortes d’ouvrages, on ne risque pas d’y trouver les inconvénients que nous signalons. Notre pensée ayant été bien moins de hasarder quelques éclaircissements de plus sur des points indifférents, que de rendre facile la lecture de tant de beaux ouvrages dont la clarté éclate, à la première vue, pour quiconque sait même médiocrement la langue, il ne faut rien chercher dans cette édition qui n’ait ce but. Ainsi on ne trouvera dans nos notes ni le degré auquel tel centurion a pu être parent de tel personnage politique, ni si les noms sont exactement les mêmes, ou s’ils n’ont pas été altérés par d’ignorants copistes, qui auraient substitué telle lettre à telle autre ; ni, dans un ordre de faits un peu plus utiles, ce grand nombre d’explications ingénieuses, mais contestables, sur tant de petites choses dites entre gens qui s’entendaient à demi-mot ; ni surtout ces discussions sur le sens, où le dernier arrivant des traducteurs démontre à tous ses devanciers qu’ils se sont grossièrement trompés. Nous sommes si convaincus de l’inutilité de ces éclaircissements que nous nous sommes fait un devoir, à un très-petit