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AVANT-PROPOS

a prouvé l’indignité de la pièce, et il a conclu à ce qu’elle fût conservée. Nous, nous avons, sur la foi d’un juge si compétent, adopté l’arrêt ; et, pour être conséquents, nous l’avons exécuté.

Mais la plus grave de nos innovations, c’est, premièrement, d’avoir terminé les œuvres de Cicéron par le recueil de ses lettres, ordinairement placées entre les discours et les œuvres philosophiques ; et, en second lieu, d’avoir publié ces lettres dans l’ordre chronologique. Il convient d’exposer en peu de mots les motifs de ce double changement.

Ces motifs, quant au renvoi du recueil des lettres à la fin des œuvres, sont de pure commodité. C’est, aujourd’hui, un usage universel, et qui ne choque point les érudits, de terminer les grandes collections d’ouvrages par la correspondance de l’auteur. Après l’écrivain vient l’homme ; après la vie publique, la vie privée. Les lettres sont presque toujours le commentaire des écrits ; or, la place naturelle du commentaire est à la suite des œuvres. Un autre motif, c’est qu’il n’y en a aucun pour conserver l’ancien ordre introduit, on ne sait pourquoi, par les premiers éditeurs de Cicéron, et respecté, sans plus de raisons connues, par les plus récents. Placés entre l’usage nouveau, suivi universellement et dans toutes les éditions d’écrivains modernes, et cet autre usage qui n’a de respectable que son antiquité, nous avons risqué volontiers, pour le plaisir du lecteur, un changement qui fait ressembler cette édition de Cicéron à celles des Œuvres de Bossuet, de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, dont la correspondance forme la dernière partie.

Il était peut-être plus téméraire de publier les lettres dans l’ordre chronologique, quoiqu’on n’y ait jamais fait qu’une objection, assez grave, il est vrai : c’est la difficulté, pour beaucoup de lettres, et l’impossibilité pour un certain nombre, d’en déterminer même la date approximative ; c’est en outre, pour celles même, en si grand nombre, qui ne sont datées que du mois, le danger de se tromper dans la fixation de leur rang.

Ces scrupules, très-fondés au point de vue de la philologie minutieuse, perdent de leur valeur au point de vue pratique. Les lettres qu’il est difficile de dater, ou celles qu’on ne peut point dater, même approximativement, sont, il faut le dire, ou d’un intérêt médiocre, ou tout à fait insignifiantes. C’est presque de leur faute si elles n’ont pas de rang. Ce sont des billets où Cicéron n’a pas jugé à propos ou n’a pas eu le temps d’exprimer aucune de ces pensées importantes, de ces préoccupations pour ainsi dire publiques, qui donnent une date certaine à toutes les lettres, véritablement intéressantes de ce vaste recueil. Quant à celles qui sont datées du même mois, et dont on peut risquer en effet d’intervertir l’ordre, de quelle petite conséquence serait une erreur de ce genre ? Qu’impor-