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AVANT-PROPOS

immédiatement l’explication : les notes ne servent qu’à éclaircir les choses indifférentes.

La traduction des lettres, dans notre édition, est nouvelle. Quoique l’exemple de M. Leclerc nous autorisât à reproduire, avec de légères modifications, les traductions justement estimées de Mongault et de Prévost, il nous a paru qu’il pouvait y avoir quelque avantage à en essayer une nouvelle. S’il est un ouvrage de Cicéron pour la traduction duquel le tour d’esprit et la langue des gens de goût, au dix-neuvième siècle, peuvent offrir quelques ressources de plus que la langue des deux derniers siècles, ce sont peut-être les lettres. Depuis Mongault et Prévost, ces lettres ont reçu, dans ce qui en fait le principal intérêt, c’est à savoir l’histoire politique, un imposant commentaire. Ce sont nos deux révolutions ; ce sont vingt-cinq années d’existence laborieuse sous un gouvernement libre ; c’est l’expérience, trop souvent cruelle, des luttes de partis, des abus de la parole dans les assemblées, de ce besoin de popularité qui n’a été si souvent, à Rome comme chez nous, que le culte rendu par la peur à la force brutale ; c’est enfin un certain sens politique qui a dû manquer à nos pères, et qui nous a donné l’intelligence pratique (le ce qu’ils ne jugeaient qu’en spéculatifs. Il en est résulté, dans le langage, (les changements et des accroissements de bon aloi, comme tous ceux qui se font du consentement général, et d’où le traducteur habile peut tirer des analogies directes et frappantes, pour rendre tout ce qui, dans l’original, se rapporte à cet ordre d’idées. Ce sera peut-être le mérite de la traduction que nous devons à deux hommes de talent et de goût[1], lesquels l’avaient commencée sans dessein de la publier, et ont bien voulu l’achever pour notre collection, se partageant le travail qui a été revu en commun.

L’adoption, pour le recueil des lettres, de l’ordre chronologique, n’est peut-être pas le seul avantage que nous ayons sur les éditions antérieures et même sur celle de M. Leclerc. Il faut vien, par exemple, que nous regardions la traduction nouvelle du De Oratore, par M. A. Th. Gaillard, comme de beaucoup meilleure que celle qu’il a publiée dans l’édition de M. Leclerc, et dont il a laissé à peine un tiers dans son nouveau travail. Or, on sait que le De Oratore est à la fois le plus long et le plus goûté des traités de rhétorique de Cicéron. Cette supériorité de notre travail sur quelques points compensera notre infériorité dans d’autres parties où notre désir de bien faire n’aura pas pu nous tenir lieu du profond savoir et de talent de notre devancier.

  1. MM. Defresne, ancien secrétaire général de la préfecture de la Seine, et Savalette, conseiller maître à la cour des comptes.