Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/176

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demande des pièces de vaisselle précieuses et d’un magnifique travail. Tullius prétend qu’il peut donner celles qu’il voudra, pourvu qu’il y en ait trente livres pesant. » La question légale résulte ici de l’ambiguïté des termes. Elle dépend d’une définition, quand le débat repose sur le nom que l’on doit donner à un fait ; en voici une de cette espèce : « Lorsque L. Saturninus se disposait à faire porter la loi sur les distributions de blé au prix d’un demi-as et d’un tiers d’as, Q. Cépion, qui se trouvait à cette époque questeur de la ville, avertit le sénat que le trésor public ne pouvait suffire à une aussi grande largesse. Le sénat décréta que celui qui présenterait cette loi devant le peuple serait regardé comme ayant agi contre la république. Saturninus veut la proposer. Ses collègues s’y opposent. Il n’en apporte pas moins à la tribune la cassette qui renfermait la loi. Cépion voyant dans cet acte une révolte du tribun contre le sénat, contre ses collègues, contre la république, s’élance accompagné de quelques bons citoyens, brise les ponts, renverse les urnes, et empêche que la loi ne soit portée. Cépion est accusé du crime de lèse-majesté. » La question légale dépend ici d’une définition ; c’est en effet le nom même de l’accusation qu’il faut définir, quand on demande ce qu’on entend par crime de lèse-majesté. La controverse repose sur une question d’attribution, lorsque l’accusé prétend qu’il faut lui accorder un délai, ou bien lui donner un autre accusateur, d’autres juges. On en trouve de fréquents exemples chez les Grecs dans les causes criminelles, et chez nous dans les affaires civiles. C’est dans ce cas que la science du droit civil nous sera d’un grand secours. Il y a cependant quelques causes criminelles dans lesquelles nous employons ce moyen ; par exemple : « Un homme est accusé de péculat pour avoir enlevé d’un lieu particulier des vases d’argent appartenant à l’État. Il peut dire, après avoir défini le vol et le péculat, que c’est une action de vol, et non de péculat, qu’on doit lui intenter. » Cette sorte de question légale d’attribution se présente rarement ; car lorsqu’il s’agit d’une action particulière, il y a les exceptions établies par le préteur ; et celui-là perd sa cause, qui ne l’a pas présentée dans les formes prescrites, tandis que dans les actions publiques les lois, favorables à l’accusé, lui permettent de faire prononcer avant tout si l’accusateur a le droit d’intenter une action.

XIII. C’est l’analogie qui fait la base de la discussion, lorsqu’à défaut d’une loi qui s’applique au cas particulier dont il s’agit, on a recours à d’autres lois qui s’en rapprochent. Ainsi, par exemple : « Une loi met le furieux et ses biens sous la tutelle de ses agnats et des membres de sa famille. Une autre loi ordonne que celui qui aura été condamné comme parricide soit enveloppé et lié dans un sac de cuir, et jeté à la rivière. D’après une troisième loi, le père de famille a le droit de disposer comme il lui convient de ses esclaves et de sa fortune. Une quatrième, enfin, porte : que si le père de famille meurt intestat, ses esclaves et ses biens passent à ses agnats et aux parents de son nom. Malléolus est déclaré coupable du meurtre de sa mère. Aussitôt après sa condamnation, on lui enveloppe la tête dans une peau de loup, on lui met des entraves aux pieds, et on le conduit en prison. Là ses défenseurs apportent des tablettes, et écrivent son testament en sa