Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/175

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XI. Nous obtiendrons ce double résultat, si nous connaissons bien l’état de la question. Quelques auteurs ont établi quatre espèces de questions ; Hermès, dont j’ai reçu les leçons, n’en reconnaît que trois, moins pour rien ôter à l’invention de ce que les autres y faisaient entrer, que pour montrer qu’ils ont divisé en deux espèces distinctes ce qui devait n’en former qu’une seule et unique. Ce qui constitue la question, c’est la première base de la défense, rapprochée des imputations de l’accusateur. Les questions, comme nous venons de le dire, sont au nombre de trois : la question conjecturale, la question légale, et la question judiciaire. La question est conjecturale ; lorsque c’est sur le fait que porte la discussion ; par exemple : « Ajax, instruit de ce qu’il a fait dans son délire, se jette sur son épée au milieu d’un bois. Ulysse survient, le voit sans vie et arrache de son corps le fer sanglant. Teucer arrive ensuite ; il trouve, à côté de son frère mort, l’ennemi de son frère un glaive sanglant à la main : il accuse Ulysse d’être le meurtrier. » Ici, comme on ne peut chercher la vérité que par conjecture y aura discussion sur le fait ; et voilà pourquoi la question s’appelle conjecturale. On la nomme légale, lorsque la contestation s’élève au sujet d’un écrit. Ici on distingue six cas différents ; c’est lorsqu’il s’agit : de la lettre et de l’esprit d’une loi, de la contradiction de deux lois entre elles, de l’ambiguïté des termes, de la définition, d’une question d’attribution, d’un raisonnement par analogie. La controverse roule sur la lettre et l’esprit, lorsque la volonté du législateur paraît en opposition avec les termes mêmes de la loi ; par exemple : « Une loi porte, que ceux qui auront abandonné leur vaisseau durant la tempête en perdront la propriété ; et que le bâtiment, s’il échappe, appartiendra, ainsi que sa cargaison, à ceux qui ne l’auront pas quitté. Effrayés par la violence de la tempête, tous les passagers d’un vaisseau l’ont abandonné pour se jeter dans la barque, à l’exception d’un malade, à qui son état n’a pas permis de s’échapper et de fuir avec les autres : le hasard et la fortune ramènent sans accident le vaisseau dans le port : le malade en est donc possesseur : l’ancien propriétaire le réclame. » Voilà une question légale qui repose sur la distinction entre la lettre et l’esprit de la loi. La controverse résulte de la contradiction des lois, lorsqu’une loi ordonne ou permet une chose, et qu’une autre la défend ; ainsi : « Une loi défend à celui qui a été condamné pour concussion de parler devant l’assemblée du peuple. Une autre loi veut que l’augure désigne dans l’assemblée du peuple le candidat qui se présente à la place de l’augure décédé. Un augure condamné pour concussion a proposé le successeur de son collègue. On demande qu’il soit puni. » Voilà une question légale fondée sur la contradiction des lois entre elles.

XII. L’ambiguïté des termes donne naissance à la contestation, quand l’expression d’une pensée présente deux ou plusieurs sens différents. Par exemple : « Un père de famille, en instituant son fils héritier, a légué par testament de la vaisselle d’argent à sa femme, en disant : Tullius, mon héritier, donnera à Térentia, ma femme, trente livres de vaisselle d’argent, à son choix. Après la mort du testateur, sa femme