Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/196

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ver l’empoisonnement, vous aurez montré une grande faiblesse ; car on ne demande pas si le crime existe, mais bien quel est celui qui l’a commis.

XXVIII. La confirmation des raisons est vicieuse, si dans la comparaison de deux choses, vous en omettez une ou ne la traitez qu’avec négligence ; si, par exemple, « examinant la question de savoir si les distributions de blé sont ou non avantageuses au peuple, vous vous attachez à en énumérer les avantages, en laissant de côté les inconvénients, comme indifférents, ou ne parlant que des plus légers. C’est un défaut encore, de se croire obligé, dans un rapprochement, de blâmer une chose parce qu’on fait l’éloge d’une autre. Par exemple : « On cherche si l’on doit rendre de plus grands honneurs aux Albains, qu’aux Vénusiens, pour les services qu’ils ont rendus à la république. » Si vous parlez en faveur des uns, n’allez pas blesser les autres ; car il n’est pas nécessaire de justifier votre préférence par un blâme. Vous pouvez même, tout en donnant la plus grande part de louanges aux uns, en laisser quelqu’une pour les autres, pour ne pas paraître avoir combattu la vérité par la passion. C’est un dernier défaut, de disputer sur la nature et le sens des mots dont l’usage explique très bien la signification. « Sulpicius, après s’être opposé à ce qu’on rappelât les exilés qui n’avaient pas été libres de se défendre, changea plus tard de résolution, et, tout en proposant la même loi, prétendit en porter une autre, à cause de la différence des mots : car il demandait le rappel, non des exilés, mais de ceux qu’on avait chassés par la force : comme s’il se fût agi de discuter alors de quel nom devait les appeler le peuple romain ; ou comme si tous ceux à qui l’on a interdit l’eau et le feu, n’étaient pas des exilés. » Peut-être faut-il pardonner à Sulpicius, qui avait en cela une intention. Pour nous, regardons comme un vice oratoire d’engager une discussion pour un changement de mot.

XXIX. L’ornement des preuves consistant dans les comparaisons, les exemples, les amplifications, les jugements et autres moyens capables de donner à l’argumentation plus de force et de richesse ; examinons quels sont les défauts qui s’y rattachent. La comparaison est défectueuse, lorsqu’elle n’est pas applicable en un point ; lorsque la similitude n’est pas juste, ou qu’elle nuit à celui qui s’en sert. L’exemple est vicieux, s’il est assez faux pour être repoussé, ou assez blâmable pour ne pas être suivi ; ou s’il prouve plus ou moins que le sujet ne l’exige. On a tort de citer un jugement, s’il se rattache à un objet différent, ou à quelque point qui n’est pas en discussion ; s’il est injuste, ou de telle nature que les adversaires pourraient en citer un plus grand nombre ou de plus concluants. C’est un défaut, quand l’adversaire convient d’un fait, d’argumenter pour en établir la preuve ; car il suffit d’amplifier cet aveu. De même l’amplification est vicieuse, quand elle prend la place de la preuve : comme si, par exemple, « un homme portant contre un autre l’accusation d’homicide allait, avant de fournir les preuves nécessaires, amplifier le crime, et dire qu’il n’y a rien de plus affreux que l’homicide. » Car la question est de savoir, non pas si le crime est affreux, mais s’il a été commis.

La conclusion est mauvaise, si elle ne s’attache pas à l’ordre établi dans le discours ; si elle