Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/199

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paraissant exiger de plus longs détails, j’ai mieux aimé la développer dans un quatrième livre, que je terminerai, je le pense, et vous enverrai promptement, afin que rien ne vous manque sur l’art de la rhétorique. En attendant, vous reviendrez sur les premiers préceptes par des lectures que vous ferez, soit avec moi, si vous le désirez, soit en votre particulier, et rien alors ne vous empêchera d’en retirer le même profit que moi. Prêtez-moi maintenant votre attention, je vais poursuivre le but que je me suis marqué.

II. Dans le genre délibératif, on examine tantôt quel est le parti que l’on doit prendre, tantôt quel est le meilleur qui se présente. Dans le premier cas, par exemple : « Faut-il détruire Carthage, ou la laisser debout ? » Dans le second : « Annibal se demande, lorsqu’on le rappelle à Carthage, s’il doit rester en Italie, ou retourner en Afrique, ou passer en Égypte pour s’emparer d’Alexandrie. » Les délibérations portent quelquefois sur la nature même de la chose ; par exemple : « Le sénat délibère s’il rachètera ou non les prisonniers. » Quelquefois elle embrasse quelque motif étranger : ainsi : « Le sénat délibère, si dans la guerre d’Italie, il doit affranchir Scipion du joug de la loi, pour qu’il puisse être fait consul avant l’âge. » Il en est qui reposent à la fois, et sur la nature même de la chose, et plus encore sur des considérations étrangères ; par exemple : « Le sénat délibère si, dans la guerre d’Italie, il accordera ou refusera aux alliés le droit de cité. » Dans les causes où la nature du sujet fera la matière de la délibération, le discours tout entier devra se renfermer dans ce sujet même. Lorsqu’un motif étranger en constituera le fond, c’est ce motif qu’il faudra faire valoir ou combattre. Tout orateur qui ouvrira un avis devra se proposer pour but l’utilité, et diriger là toute l’économie de son discours. Dans les délibérations politiques, l’utilité se divise en deux parties, la sûreté et l’honnêteté. La sûreté fait voir un moyen quelconque d’éviter un danger présent ou à venir ; les moyens sont la force ou la ruse, qu’il s’agit d’employer ou séparément ou de concert. La force consiste dans les armées, les flottes, les armes, les machines de guerre, les levées d’hommes, et autres ressources de ce genre. La ruse a recours à l’argent, aux promesses, à la dissimulation, à la promptitude, aux bruits divers, et à beaucoup d’autres stratagèmes, dont je parlerai plus à propos, si je me décide à traiter jamais de l’art militaire et de l’administration civile. L’honnêteté renferme deux parties, le bien et le louable. Le bien est ce qui se trouve d’accord avec la vertu et le devoir. Il réunit sous son nom la prudence, la justice, la force d’âme et la tempérance. La prudence, c’est l’habileté qui fait un choix entre le bien et le mal. On appelle aussi prudence une connaissance acquise, ou la mémoire longtemps exercée, ou une longue expérience des affaires. La justice, c’est l’équité rendant à chacun selon son mérite. La force d’âme, c’est la passion des grandes choses et le mépris des petites ; c’est la patience dans les travaux en vue de leur utilité. La tempérance est le pouvoir qui modère les passions de l’âme.

III. L’orateur fait usage de la prudence dans ses diverses acceptions, lorsqu’il compare les