Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/200

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avantages et les inconvénients, exhortant à profiter des uns, et à éviter les autres ; lorsqu’il peut avoir de la chose qu’il conseille, une science pratique, et qu’il montre comment et par quel moyen on y réussit ; lorsqu’il engage à prendre une mesure dont il peut citer une application récente, ou avoir gardé le souvenir. Dans ce cas, il lui est facile d’opérer la persuasion par cet exemple. Nous nous appuierons sur la justice, si nous demandons la pitié pour les innocents et les suppliants ; si nous montrons qu’il faut être reconnaissant des bienfaits, et se venger des outrages ; si nous recommandons surtout la fidélité à la foi promise, et la conservation des lois et des mœurs de la cité ; si nous proclamons le maintien des alliances et des amitiés, l’observation religieuse des devoirs que la nature nous impose envers nos parents, les dieux, la patrie ; les égards sacrés que nous devons à nos hôtes, à nos clients, à notre famille, à nos alliés et à nos amis ; si nous enseignons que ni l’appât du gain, ni la faveur, ni le danger ne doivent nous détourner du droit chemin ; que, dans toute occasion, c’est de l’équité qu’il faut faire notre règle : c’est par ces moyens ou d’autres du même genre que, dans une assemblée du peuple ou dans un conseil, nous montrerons que la chose que nous conseillons est juste ; nous en emploierons de contraires pour en prouver l’injustice : de sorte que les mêmes lieux nous fourniront les ressources nécessaires pour persuader ou dissuader. Si nous voulons conseiller un parti qui demande de la force d’âme, nous ferons voir qu’il faut rechercher et entreprendre les choses grandes et élevées ; que les hommes des courage doivent mépriser par conséquent celles qui sont basses et honteuses, et les regarder comme au-dessous de leur dignité ; que lorsqu’il s’agit de ce qui est honnête, il n’y a pas de dangers ni de travaux si grands qu’ils doivent nous en détourner ; que la mort est préférable à l’infamie ; que la douleur ne doit jamais nous contraindre à nous affranchir de notre devoir ; qu’il ne faut craindre les Inimitiés de personne, quand il s’agit de la vérité ; que pour la patrie, pour nos parents, nos hôtes, nos amis, et pour tout ce que la justice commande de respecter, il faut braver tous les dangers, supporter toutes les fatigues. Nous chercherons nos moyens dans la tempérance, en jetant le blâme sur la passion immodérée des honneurs, des richesses, et des autres avantages de ce genre ; en marquant les bornes précises que la nature a mises à chaque chose ; en montrant à chacun ce qui lui suffit et le détournant d’aller au delà ; en fixant les limites de toute chose. Voilà les divisions de la vertu : amplifiez-les si vous conseillez ; si vous dissuadez, atténuez les moyens que je viens d’indiquer. Il n’y a personne assurément, direz-vous, qui pense qu’on doive s’écarter de la vertu ; mais la circonstance n’était pas de nature à la faire briller ; et c’est plutôt dans une circonstance contraire qu’elle se montrera. De même, si cela est possible en quelque façon, on prouvera que ce qui s’appelle justice dans la bouche de l’adversaire, n’est que lâcheté, faiblesse, fausse générosité : qu’il donne le nom de prudence à l’impiété, au bavardage, à un savoir importun : que ce qu’il appelle tempérance, n’est qu’inertie et coupable indifférence ; et