Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/202

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toujours ; Il n’est pas prouvé qu’après avoir évité ce péril, vous ne retomberez pas dans un autre. La mort même est belle quand on y marche volontairement par son courage ; d’ailleurs la fortune seconde d’ordinaire la valeur ; celui-là vit en sûreté, qui vit avec gloire et non pas qui se sauve du danger ; l’homme qui vit dans l’opprobre ne peut jouir d’un repos durable. Les conclusions dont on a coutume de se servir dans ce genre sont à peu près les mêmes que celles du genre judiciaire ; à la différence qu’il est extrêmement utile dans ces dernières de citer un grand nombre d’exemples du passé.

VI. Passons maintenant au genre démonstratif. Comme il comprend la louange et le blâme, les moyens contraires à ceux dont nous aurons tiré la louange nous serviront à répandre le blâme. La louange peut avoir pour objet ou les accidents étrangers, ou les attributs du corps et de l’âme. Les accidents étrangers sont ceux, qui dépendent du hasard, de la bonne ou de la mauvaise fortune ; comme la naissance, l’éducation, les richesses, le pouvoir, les honneurs, la gloire, le droit de cité, les liaisons d’amitié ; toutes les choses de cette nature, et celles qui leur sont opposées. Les attributs du corps, ce sont les avantages ou les inconvénients qu’il tient de la nature, comme la légèreté, la force, la dignité, la santé ; et les défauts opposés. A l’âme appartient ce qui dépend de notre sagesse et de notre jugement : la prudence, la justice, la force, la tempérance, et les vices contraires. Nous trouverons donc là des moyens pour la confirmation ou pour la réfutation. Ainsi dans le genre démonstratif, nous tirerons l’exorde, soit de notre personne, soit de celle que nous devons louer, soit des auditeurs, soit de l’objet même de notre discours. Si l’orateur, dans un éloge, parle de lui-même, il dira que c’est par devoir, ou par affection qu’il agit, ou par l’empressement de célébrer une vertu dont chacun voudrait assurer le souvenir, ou parce qu’il est séant de se faire connaître soi-même, en faisant l’éloge des autres. S’il a l’intention de blâmer, il dira que les traitements qu’il a reçus lui en ont donné le droit ; ou que son zèle lui fait regarder comme utile de dévoiler aux yeux de tous une méchanceté, une perversité sans exemple ; ou qu’il veut montrer, par la censure qu’il fait des autres, son aversion pour leurs excès. S’agit-il de la personne dont nous parlons, et voulons-nous la louer ? nous laissons voir la crainte de ne pas atteindre à la hauteur de ses actions : ses vertus méritent l’éloge de tout le monde : tout ce qu’il a fait est au-dessus de l’éloquence de tous les panégyriques. Voulons-nous la blâmer ? nous emploierons les moyens contraires, avec de légers changements de formes, selon l’exemple que nous en avons donné tout à l’heure. Si l’orateur tire son exorde de la personne de l’auditeur, et qu’il loue, il dira que son héros n’étant pas inconnu de l’assemblée, il n’a pas besoin d’un long préambule : si on ne le connaît pas, il demandera la permission de faire connaître un tel homme à des auditeurs qui n’ont pas moins de zèle que lui pour la vertu, et qui apprécieront une conduite qu’il ferait approuver de tout le monde. Pour le blâme, nous suivrons la marche contraire : les auditeurs connaissent-ils celui dont nous parlons ;