Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ton calme, qu’une chose a pu, ou n’a pas pu arriver ; la narration expose les faits comme ils sont, ou comme ils auraient pu se passer ; la plaisanterie cherche, dans une circonstance particulière, le sujet d’un rire décent et de bon goût. Le ton de la dispute est continu ou divisé ; il est continu quand on précipite son débit avec force ; il est divisé quand on mêle à de rares et courts intervalles des éclats de voix retentissants à une déclamation ordinaire. Le ton de l’amplification est de deux sortes ; il veut ou exciter, ou attendrir : il excite, en exagérant le délit pour provoquer la colère des auditeurs ; il attendrit, en exagérant les infortunes, afin de porter à la compassion. La flexibilité de la voix, comprenant trois parties, et ces parties se subdivisant elles-mêmes en huit autres, je crois devoir indiquer l’espèce de prononciation particulière à chaque cas.

XIV. Dans les morceaux de dignité, la voix doit rendre des sons pleins, aussi calmes et aussi modérés que possible, en évitant toutefois de faire tomber la déclamation oratoire dans la déclamation tragique. Dans la démonstration, on baisse un peu la voix, et l’on multiplie les intervalles et les repos, afin que ce soit la manière même de prononcer qui paraisse faire entrer les preuves dans l’esprit des auditeurs, et les y classer distinctement. La narration demande une variété de tons qui semble reproduire la nature de chaque fait. On exprime rapidement ce qui s’est fait avec résolution, et lentement ce qui s’est fait avec nonchalance. La prononciation doit suivre le discours dans tous ses changements, et passer tour à tour de l’aigreur à l’a bienveillance, de la tristesse à la joie. Si dans la narration il se trouve des mots cités, des questions, des réponses, des exclamations, nous mettrons toute notre attention à rendre les sentiments et les dispositions de chaque personnage. Il faut prendre dans la plaisanterie une voix doucement tremblante avec une légère intention de ridicule, mais sans qu’on puisse y soupçonner de la bouffonnerie ; le passage du ton sérieux à un badinage honnête devra se ménager avec adresse. Nous avons dit que le ton de la discussion était continu ou divisé. Dans le premier cas, il faut que la voix prenne un peu plus de volume, et n’offre pas plus d’interruption que les paroles elles-mêmes ; qu’elle jette les sous et produise les mots avec autant de rapidité que d’éclat, afin que le débit suive la course entraînante du discours. Dans le ton divisé, l’on tire du fond de la poitrine les exclamations les plus perçantes, en donnant à chaque repos la même durée qu’à chaque exclamation elle-même. Dans l’amplification, si l’on exhorte ; il faut une voix très adoucie, modérée dans ses éclats, égale de timbre, variée d’intonations, et très rapide. Dans la plainte, la voix s’abaisse ; le son faiblit ; les mots sont fréquemment interrompus, longuement entrecoupés, et passent subitement d’un ton à l’autre. Nous en avons dit assez sur les modifications de la voix ; il faut nous occuper à présent des mouvements du corps.

XV. On appelle mouvements du corps, le geste et une certaine composition du visage qui s’ac-