Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/218

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aux exemples. Si je les avais pris chez les autres, il en serait résulté que la portion la moins désagréable du livre, ne m’appartiendrait pas, et que je n’aurais à revendiquer en propre que celle qui renferme ce qu’il y a de plus aride et d’inusité. C’est encore un désavantage que j’ai voulu éviter. Tels sont les motifs qui m’ont empêché, tout en approuvant les Grecs comme inventeurs de l’art, de ne pas suivre leur opinion sur le choix des exemples.

Il est temps de passer à présent aux règles de l’élocution. Nous l’envisagerons sous deux points de vue. Nous parlerons d’abord des divers genres dans lesquels l’élocution doit être renfermée tout entière ; nous montrerons ensuite quelles qualités elle doit toujours avoir.

VIII. Il y a trois genres, ou, comme nous le disons, trois caractères de style auxquels se ramène tout discours soumis aux règles ; le style sublime, le style tempéré, et le style simple. Le sublime résulte de l’emploi d’expressions nobles, grandes et ornées. Le tempéré fait usage de termes moins relevés, mais qui n’ont rien de trop bas ni de trop vulgaire. Le simple s’abaisse jusqu’au langage le plus familier d’une conversation correcte.

Le discours appartiendra au genre sublime, si l’on y fait entrer les expressions les plus ornées qu’il sera possible de trouver sur chaque sujet, et si on les y approprie, soit dans leur sens naturel, soit dans leur sens figuré ; si l’on fait choix de pensées nobles, susceptibles de se prêter à l’amplification et au pathétique ; et si, parmi les figures de pensées ou de mots dont nous parlerons plus tard, on emploie celles qui ont de la grandeur. L’exemple suivant donnera l’idée de ce genre : « Qui de vous en effet, juges, pourrait imaginer un châtiment assez sévère pour celui qui a formé le projet de livrer sa patrie aux ennemis ? Quel crime peut se comparer à celui-là, et quel supplice trouvera-t-on qui le puisse expier dignement ? Pour punir ceux qui auraient attenté à une femme libre, déshonoré une mère de famille, maltraité ou mis à mort un citoyen, nos ancêtres imaginèrent les plus cruels supplices, et ils n’en ont point trouvé pour le plus cruel, pour le plus coupable des forfaits ? Et cependant les autres crimes ne portent préjudice qu’à une seule personne, ou qu’à un petit nombre de citoyens, tandis que les auteurs d’un pareil attentat menacent d’un seul coup tous les citoyens des plus horribles malheurs. Ô cœurs farouches, ! ô projets barbares ! ô hommes dénaturés ! vous avez osé exécuter, concevoir même un dessein qui permettait à nos ennemis de fondre victorieux sur la ville, après avoir dispersé les tombeaux de nos pères et renversé nos murailles ; de dépouiller les temples des dieux, d’égorger nos citoyens les plus illustres, de traîner les autres en servitude ; de livrer les mères de famille, les femmes libres à la brutalité des soldats, et la ville, aux horreurs de l’incendie ! Les misérables ! ils pensent avoir encore quelque chose à désirer, tant qu’ils n’ont pas vu tomber en cendres les murs sacrés de la patrie ! Je ne puis, juges, peindre par des paroles, toute l’atrocité de leur dessein ; mais je m’en console, parce que vous n’avez pas besoin de mes efforts. Vos cœurs, dans lesquels l’amour