Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/219

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de la république est si ardent, vous disent assez que celui qui a juré la perte de ses concitoyens doit être honteusement chassé de cette Rome qu’il a voulu faire tomber sous le joug infâme de ses plus méprisables ennemis. »

IX. Le discours sera du style tempéré si, comme je viens de le dire, on le fait descendre un peu du ton sublime, sans le faire tomber cependant jusqu’au ton simple. Par exemple : « Vous voyez, juges, à qui nous faisons la guerre ; à des alliés qui ont coutume de combattre pour nous, et dont le courage et le zèle ont contribué au salut de notre empire. S’ils se connaissent eux-mêmes, s’ils connaissent leurs forces et l’étendue de leurs ressources, ils peuvent néanmoins, à cause de leur voisinage et des rapports de toute sorte qu’ils ont eus avec nous, savoir ou comprendre de quoi est capable le peuple romain. Quand ils ont pris la résolution de nous déclarer la guerre, quel était, je vous le demande, l’espoir qui les poussait, eux qui voyaient la plus grande partie des alliés rester fidèle à Rome, eux qui n’avaient à leur disposition ni troupes nombreuses, ni généraux habiles, ni, argent dans leur trésor, ni aucun des moyens nécessaires en pareil cas ? S’ils entreprenaient la guerre contre des voisins pour une question de limites, s’ils pensaient qu’une seule bataille pût décider de la querelle ; encore se mettraient-ils en campagne avec des préparatifs plus complets et plus sûrs, bien loin de nous disputer avec d’aussi faibles ressources cet empire du monde que toutes les nations, tous les rois, tous les peuples vaincus par les armes ou par les bienfaits du peuple romain, ont été contraints ou amenés volontairement à reconnaître. Mais, me demandera-t-on, les habitants de Frégelles n’ont-ils pas essayé de secouer le joug ? Sans doute : mais il était d’autant plus facile à ceux-ci de ne rien tenter de semblable, qu’ils avaient vu le peu de succès des Frégellans. Des peuples sans expérience, qui ne peuvent trouver dans le passé des exemples de conduite pour aucune circonstance, sont très exposés à tomber dans l’erreur ; mais ceux qui savent ce qui est arrivé aux autres peuvent aisément prévoir, par l’exemple d’autrui, ce qui les attend eux-mêmes. Nos alliés n’avaient-ils donc aucun motif, aucun espoir pour prendre les armes ? Qui croirait que l’on poussât la folie jusqu’à entreprendre une attaque contre le peuple romain, sans aucun moyen d’y réussir ? Il faut donc qu’ils aient eu quelque raison d’en agir ainsi ; et quelle autre y aurait-il que celle que je vous ai fait connaître. »

X. Le morceau suivant fournira un exemple de ce style simple qui descend jusqu’à la familiarité de la conversation journalière : « Cet « homme vient un jour au bain ; on l’arrose d’huile, on le frotte. Ensuite il se met à descendre les degrés : mais voilà que se jetant au-devant de celui-ci : Holà ! jeune homme, s’écrie-t-il, vos esclaves m’ont offensé, il faut que vous m’en rendiez raison. Le jeune homme, ainsi apostrophé par un inconnu, rougit. L’agresseur crie encore plus haut, ajoutant d’autres injures. Le jeune homme ose à peine lui répondre : Permettez que j’examine la chose. L’autre, élevant la voix de façon à faire rougir le plus assuré, réplique : Vous êtes si insolent et si emporté,