Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/226

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gante et plus parfaite quand elle en renferme trois ; par exemple : « Vous serviez votre ennemi, vous nuisiez à votre ami, et vous ne songiez pas à vous-même. » Ou bien : « Vous n’avez ni servi la république, ni soutenu vos amis, ni résisté à vos ennemis. »

On appelle Article chacun des mots qui sont séparés par des repos, et qui coupent la période ; comme : « Véhémence, voix, regards, tout en vous a effrayé vos adversaires. - C’est par l’intrigue, l’outrage, la protection, la perfidie, que vous vous êtes délivré de vos ennemis. » Entre cette figure et la précédente, il existe pour la force une grande différence. L’effet de l’une est plus tardif et moins fréquent ; l’effet de l’autre est plus pressé et plus rapide. La première ressemble à des coups d’épée portés avec lenteur et réflexion ; la seconde blesse par des coups rapides et multipliés.

La Continuation consiste à exprimer de suite, rapidement et sans interruption, une phrase qui forme un sens achevé. On s’en sert avec beaucoup d’avantage dans trois cas ; dans la sentence, dans les contraires, et dans la conclusion. Par exemple, dans la sentence : « La fortune ne peut beaucoup nuire à celui qui a plus compté sur la vertu que sur le hasard. » Dans les contraires : « Car si un homme n’a pas placé beaucoup d’espérances sur le hasard, comment le hasard pourrait-il lui causer un grand préjudice ? » Dans la conclusion : « Si la fortune a beaucoup de prise sur ceux qui mettent toutes leurs ressources au hasard, il ne faut pas tout abandonner à la fortune, pour éviter qu’elle exerce sur nous un trop grand empire. » Dans ces trois circonstances, le rapidité est si nécessaire pour que la continuation ait tout son effet, que l’orateur paraît manquer de force, s’il ne précipite, soit la sentence, soit les contraires, soit la conclusion. Cette figure n’est pas sans utilité dans quelques autres cas encore, quoiqu’elle n’y soit pas tout à fait nécessaire.

XX. Lorsque, dans une période, les membres dont j’ai parlé tout à l’heure, sont formés du même nombre à peu près de syllabes, la figure qui en résulte se nomme Compar. Ce ne sera point, de la part de l’orateur, un arrangement puéril ; par l’usage et l’exercice, il arrivera, comme par instinct, à cette égalité des membres. En voici des exemples : « Le père recevait la mort dans les combats ; le fils s’occupait de mariage dans sa maison ; tout cela était réglé par un impérieux destin. - L’un a dû son bonheur à la fortune, l’autre a conquis la vertu par ses efforts. » Il peut souvent arriver, dans cette figure, que le nombre des syllabes ne soit pas exactement le même, et que cependant il le paraisse, s’il ne se trouve entre un membre et l’autre que la différence d’une ou de deux syllabes ; ou si l’un d’eux en contient un plus grand nombre, et l’autre une ou plusieurs plus allongées, de manière que la longueur des mots dans l’un fasse compensation avec le nombre dans l’autre.

Si, dans la même phrase, deux ou plusieurs mots sont employés à des cas ou à des temps semblables, il en résulte une figure qu’on appelle similiter cadens : exemples : Hominem laudas egentem virtutis, abundantem felicitatis. — Cujus omnis in pecunia spes est, ejus a sapien-