Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/229

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honorable ? mais vous savez tous, pour en avoir été témoins, comment il a vécu. Fera-t-il l’énumération des parents en faveur desquels vous pourriez vous laisser toucher ? mais il n’en a aucun. De ses amis ? mais il n’est personne qui ne regardât comme une honte d’être appelé l’ami d’un tel homme. — Ou bien : « Sans doute, vous avez fait instruire le procès d’un ennemi qui vous paraissait coupable ? non, car vous l’avez mis à mort sans qu’il fût condamné. Avez-vous redouté les lois qui le protégeaient ? non, vous n’avez pas même songé qu’il en existât. Lorsqu’il vous rappelait les liens d’une ancienne amitié, vous êtes-vous laissé toucher ? bien loin de là, vous n’en avez mis que plus d’empressement à le faire périr. Lorsque ses enfants se traînaient à vos pieds, vous ont-ils inspiré quelque compassion ? non ; vous les avez même empêchés de donner la sépulture à leur père. » Cette figure a beaucoup de poids et de véhémence, parce qu’après avoir demandé ce qu’il fallait faire, on montre que ce n’est pas là ce qui a été fait ; et il est d’autant mieux de l’employer qu’on augmente ainsi l’indignité de l’action. La subjection a lieu également lorsque l’orateur s’interroge lui-même. Comme dans cet exemple : « Que me fallait-il faire, lorsque j’étais enveloppé par une si grande multitude de Gaulois ? Engager le combat ? mais je n’avais qu’une poignée d’hommes, et le terrain m’était défavorable. Rester dans mon camp ? mais nous n’avions ni renforts à attendre, ni subsistances pour prolonger notre vie. Abandonner ma position ? mais je m’y trouvais cerné. Devais-je compter pour rien la vie de mes soldats ? mais je pensais qu’ils ne m’avaient été confiés qu’à la condition de les conserver, autant que je le pourrais, à leur patrie et à leurs parents. Devais-je repousser les conditions des ennemis ? mais il valait bien mieux sauver les hommes que les bagages. » On accumule ainsi les subjections, afin qu’il résulte de leur ensemble qu’il n’y avait pas de meilleur parti à prendre que celui qu’on a choisi.

XXV. La Gradation consiste à disposer l’ordre des mots selon leur degré de force, par exemple : « Quel espoir de liberté nous reste-t-il, si ces hommes se permettent tout ce qu’ils veulent ; s’ils peuvent tout ce qui leur semble permis ; s’ils osent tout ce qu’ils peuvent ; s’ils font tout ce qu’ils osent ; et si vous ne désapprouvez rien de ce qu’ils font ? - Je n’ai point conçu ce projet sans le conseiller ; je ne l’ai pas conseillé sans m’en occuper moi-même tout aussitôt : je ne m’en suis pas occupé sans l’achever ; je ne l’ai pas achevé sans le faire approuver. - Scipion l’Africain dut son courage à son génie, sa gloire à son courage, et ses rivaux à sa gloire. - L’empire de la Grèce appartint aux Athéniens ; les Spartiates soumirent les Athéniens ; les Thébains furent vainqueurs de Lacédémone ; les Macédoniens triomphèrent des Thébains et ajoutèrent bientôt la conquête de l’Asie à l’empire de la Grèce. » La fréquente répétition du mot qui précède n’est pas sans agrément, et cette répétition est le propre de cette sorte de figure.

La Définition embrasse d’une façon rapide et complète, les qualités particulières d’un objet ; par exemple : « La majesté de la république, c’est ce qui fait la dignité et la grandeur de Rome. - J’entends par injures toute voie de fait,