Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/234

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fois on prend l’arme pour celui qui s’en sert : comme si, pour désigner les Macédoniens, on disait : « La Grèce ne fut pas aussi rapidement conquise par les sarisses. » Ou bien, en parlant des Gaulois : « On ne chassa pas aussi facilement de l’Italie les matères gauloises. » Elle prend encore la cause pour l’effet, quand elle dit ce qu’un homme a fait pendant la guerre : « Mars vous a contraint à en agir ainsi. » Ou l’effet pour la cause ; par exemple, on appelle un art oisif, celui dont l’oisiveté est la suite ordinaire ; on dit que le froid est paresseux, parce qu’il rend paresseux. Elle prend le contenant pour le contenu ; par exemple, « L’Italie ne peut être vaincue dans la guerre, ni la Grèce dans les arts. » La Grèce et l’Italie sont ici pour les Grecs et les Romains qui les habitent. Ou le contenu pour le contenant, comme quand on désigne les richesses par ces mots, l’or, l’argent, l’ivoire. Il est plus difficile d’établir une division exacte de toutes ces métonymies, que d’en trouver ou d’en inventer des exemples ; car l’usage en est continuel non seulement dans les poètes et les orateurs, mais encore dans le langage de la conversation.

La Périphrase consiste à prendre un détour pour exprimer une pensée toute simple, par exemple : « La prudence de Scipion a brisé la puissance de Carthage. » Car si l’on n’avait pas eu pour but d’embellir la phrase, on pouvait dire simplement : Scipion et Carthage.

La Transgression change l’ordre des mots en les renversant ou en les transposant. En les renversant, par exemple : « Hoc vobis deos immortales arbitror dedisse pietate pro vestra. » En les transposant, par exemple : « Instabilis in istam plurimum fortuna valuit. » Ou bien encore : « Omnes invidiose eripuit tibi bene vivendi casus facultates. » Si ces transpositions ne rendent pas le sens obscur, elles seront très favorables aux continuations, dont nous avons parlé plus haut ; mais il faut que la construction des mots ait quelque chose de l’harmonie poétique, pour que la période soit aussi parfaite, aussi arrondie que possible.

XXXIII. L’Hyperbole est une figure qui va au delà ou reste en deçà de la vérité. Elle a lieu absolument ou par comparaison. Absolument, comme dans ce cas : « Si nous restons unis, nous mesurerons l’étendue de notre empire par l’espace que parcourt le soleil de son lever à son coucher. » L’hyperbole fondée sur la comparaison, établit ou une égalité ou une supériorité ; une égalité : « Son corps était blanc comme la neige, son regard ardent comme le feu. » Une supériorité : « Il sortait de sa bouche des paroles plus douces que le miel. » Voici une autre hyperbole du même genre : « Tel était l’éclat de ses armes, que la splendeur du soleil en semblait obscurcie. »

La Synecdoche prend le tout pour la partie, ou la partie pour le tout. La partie pour le tout : « Ces flûtes nuptiales ne te rappellent-elles pas ce mariage ? » Ici, toute la cérémonie sacrée des noces est représentée à l’esprit par le nom d’un seul instrument. Le tout pour la partie ; dans le cas, par exemple, où l’orateur reprochant à quelqu’un la somptuosité de ses vêtements, lui dirait : « Vous m’étalez vos richesses, vous m’éblouissez