Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/236

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son père, un Hippolyte l’homme intempérant et adultère. » Voilà à peu près ce que nous avions a dire sur les figures de mots ; nous allons nous occuper à présent des figures de pensées.

XXXV. La Distribution est une figure par laquelle on établit dans certains cas une division de personnes ou de choses, comme dans ces exemples : « Ceux d’entre vous, juges, qui ont de l’affection pour le sénat, doivent détester cet homme, puisqu’il s’est toujours montré l’ennemi le plus passionné du sénat. Ceux qui désirent que l’ordre équestre brille dans Rome d’un vif éclat, doivent demander le sévère châtiment d’un misérable dont la honte souillerait d’une tache de mépris cette classe honorable. Vous tous qui avez des parents, montrez par son supplice que vous êtes sans pitié pour les fils sacrilèges. Vous qui avez des enfants, montrez-leur par un exemple quels châtiments Rome tient en réserve pour des hommes tels que lui. » — « C’est le devoir du sénat d’aider la république de ses conseils ; c’est le devoir des magistrats d’exécuter avec zèle et fidélité la volonté des sénateurs : c’est le devoir du peuple, de donner son approbation et ses suffrages aux meilleures lois, et aux citoyens les plus dignes. — L’accusateur a pour office de dénoncer les crimes ; le défenseur, de les combattre et de les réfuter ; le témoin de dire ce qu’il sait ou ce qu’il a entendu ; le président de contenir chacun d’eux dans les bornes de son devoir. C’est pourquoi, L. Cassius, si vous souffrez qu’un témoin aille au delà de ce qu’il sait, ou de ce qu’il a entendu, et fasse part de ses conjectures, vous confondrez ses « droits avec ceux de l’accusateur, vous encouragerez la cupidité d’un témoin criminel, vous mettrez l’accusé dans la nécessité de se défendre contre deux accusations. » Cette figure féconde le discours, car elle comprend beaucoup en peu de mots, et en donnant à chaque chose son emploi, elle divise et distingue toutes les parties du tout.

XXXVI. La Licence est une figure où l’orateur, sans offenser ceux qu’il doit respecter ou craindre, ni ceux qui leur sont chers, use de son droit pour leur reprocher des fautes qu’il se croit fondé à relever. Par exemple : « Vous vous étonnez, Romains, que vos intérêts soient abandonnés par tout le monde ; que personne n’embrasse votre cause, et ne se déclare votre défenseur ? Ne vous en prenez qu’à vous-mêmes, et cessez d’en être surpris. Comment, en effet, chacun ne devrait-il pas vous fuir et vous éviter ? Souvenez-vous de ceux qui nous ont porté secours ; rappelez-vous leur dévouement ; et considérez ensuite comment ils en ont été récompensés. Alors vous reconnaîtrez, pour vous parler sans détour, que votre insouciance, ou plutôt votre lâcheté les a laissé massacrer sous vos yeux ; tandis que leurs ennemis sont arrivés, par vos suffrages, au faite des honneurs. »… Voici un autre exemple : « Juges, quel motif avez-vous eu pour hésiter à prononcer votre sentence, et pourquoi renvoyez-vous l’affaire à plus ample information ? Les preuves du crime n’étaient-elles pas assez manifestes ? Les dépositions des témoins ne les confirmaient-elles pas toutes ? ses réponses n’ont-elles pas été d’une faiblesse puérile ? avez-vous craint de passer pour des hommes cruels en condamnant le coupable dès la première audience ? Mais en