Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/261

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démonstratif. Il faut donc les considérer comme des genres de cause, et non comme des espèces de quelque état de question.

XI. Ainsi, ce que nous appelons question de genre renferme deux parties : la question juridiciaire, qui discute le droit et le tort, qui décide si l’on mérite peine ou récompense ; la question matérielle, où l’on examine tout ce qui appartient au droit civil et à l’équité. Cette dernière est du domaine des jurisconsultes.

La question juridiciaire se subdivise elle-même en absolue et en accessoire. Elle est absolue quand elle renferme l’examen du droit ou du tort ; accessoire, si la défense, faible par elle-même, s’appuie sur des moyens étrangers au fond de la cause. Elle offre alors quatre chefs : l’aveu du crime, le recours, la récrimination et l’alternative. L’accusé, en avouant le crime, implore-t-il son pardon, c’est l’aveu du crime. Alors il emploie ou le défaut d’intention ou la déprécation. Par le défaut d’intention, il convient du fait, sans s’avouer coupable, et rejette la faute sur son imprudence, sur le hasard, sur la nécessité. Par la déprécation, l’accusé avoue son crime, et convient même de la préméditation, mais il implore la pitié des juges. Il est très rare de pouvoir employer ce moyen. Par le recours, on se disculpe en rejetant l’accusation sur un autre, en démontrant que la faute ne saurait retomber sur nous. On y parvient en imputant à autrui ou la cause ou le fait : la cause, quand nous avons obéi à une puissance, à une autorité étrangère ; le fait, quand on dit qu’un autre a dû ou a pu commettre la faute. Dans la récrimination, on soutient qu’on a eu droit d’agir comme on l’a fait, parce qu’on a été injustement provoqué. Si l’on allègue que l’action incriminée avait pour but quelque autre action utile ou honorable, on emploie l’alternative.

Dans la quatrième question, que nous appelons de récusation, il s’agit de connaître si l’accusateur a droit d’intenter son action, s’il l’a fait devant le tribunal, suivant la loi, dans la forme et dans le temps convenables ; enfin, si quelque irrégularité peut faire porter la cause devant un autre tribunal, ou annuler l’accusation. Hermagoras passe pour l’inventeur de cette question ; non qu’une foule d’orateurs ne s’en soient servis avant lui, mais parce qu’elle avait échappé aux premiers rhéteurs, et qu’ils ne l’avaient point mise au nombre des questions. On a, depuis, contesté souvent à Hermagoras l’honneur de cette découverte, moins, je crois, par ignorance (la chose est assez évidente par elle-même) que par jalousie, et par envie de nuire à sa réputation.

Nous avons fait connaître et les questions et leurs différentes parties. Il nous sera plus facile de donner des exemples de chacune d’elles quand nous traiterons des arguments qui leur conviennent ; et la méthode des arguments sera aussi plus claire, quand on pourra l’appliquer sur-le-champ au genre et au caractère de la cause.