Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/263

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ce chef important que nous appelons point à juger : « Oreste a-t-il eu le droit de tuer sa mère, parce qu’elle avait tué le père d’Oreste ? »

La preuve confirmative est la plus ferme défense de l’accusé ; elle détermine surtout le point à juger. Ainsi Oreste peut dire : « Les sentiments de ma mère pour son époux, pour moi-même, pour mes sœurs, pour notre empire, pour la gloire de notre famille, étaient tels, que ses enfants avaient plus que tout autre le droit de la punir. » Telle est la manière de trouver dans tout état de question le point à juger. Néanmoins, dans la question de conjecture, comme il n’y a pas de raisonnement, puisqu’on n’accorde pas le fait, le point à juger ne peut naître du développement des raisons. Alors le point de discussion et le point à juger ne forment nécessairement qu’un. Le fait existe. - Il n’existe pas. - Existe-t-il ? Autant il y a dans une cause d’états ou de subdivisions d’états de question, autant il doit nécessairement y avoir de points de discussion, de raisonnements, de points à juger et de preuves confirmatives.

Toutes ces divisions établies, considérez isolément chacune des parties de la cause entière, et n’allez point vous occuper de chaque chose dans l’ordre suivant lequel vous devez en parler. Voulez-vous que vos premiers mots se lient bien, et soient dans une harmonie parfaite avec le fond de la cause, faites-les naître de ce qui doit suivre. Quand l’art, l’étude et la méditation vous auront montré le point à juger, et tous les raisonnements qui l’appuient, que vous les aurez approfondis et fortifiés, ordonnez alors les différentes parties de votre discours. Il y en a six en tout, à ce qu’il nous semble : l’Exorde, la Narration, la Division, la Confirmation, la Réfutation et la Péroraison. Nous commencerons par donner les règles de l’exorde, puisque l’exorde se présente le premier.

XV. L’Exorde est cette partie du discours où l’on essaye de préparer favorablement l’auditeur. On y réussit quand on parvient à lui inspirer de la bienveillance, de l’attention, de l’intérêt. Aussi l’orateur, pour faire un bon exorde, doit-il connaître parfaitement la nature de sa cause. Les causes sont honnêtes, extraordinaires, honteuses, douteuses ou obscures. La cause est honnête, quand l’auditoire est, de lui-même, et avant que nous prenions la parole, prévenu en notre faveur ; extraordinaire, quand les esprits sont indisposés contre nous ; honteuse, si l’auditeur la dédaigne et n’y attache pas grand intérêt ; douteuse, si le point à juger est incertain, ou si la cause, tout à la fois honnête et honteuse, prévient également pour et contre elle ; obscure enfin, si elle se refuse à l’intelligence des auditeurs, ou si la multiplicité des incidents y répand de la confusion. Chacun de ces genres de causes si différents demande donc un exorde différent. Et d’abord, nous distinguerons en général deux sortes d’exordes : l’exorde direct, et l’exorde par insinuation. Le premier cherche ouvertement, et dès les premières paroles, à disposer l’auditoire à la bienveillance, à l’attention et à l’intérêt. L’insinuation se cache avec adresse,