Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/268

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elle offre tous les caractères de la vérité ; quand elle observe fidèlement les convenances des personnes ; quand elle montre les causes des événements ; quand elle prouve qu’on a pu faire ce dont il s’agit ; que le temps était favorable, suffisant, le lieu commode ; enfin quand elle ne blesse point les mœurs connues des parties, l’opinion publique et les sentiments de l’auditoire. Voilà ce qui donne aux narrations un air de vérité.

Un autre point non moins important, c’est de savoir supprimer la narration quand elle est nuisible, ou seulement inutile ; c’est de prendre garde qu’elle ne soit déplacée, ou qu’elle ne se présente pas sous un jour favorable. Elle est nuisible, quand l’exposition du fait élève contre nous une forte prévention qu’il faut, dans le cours du plaidoyer, détruire par des raisonnements. Dispersez alors votre narration partie par partie dans le discours, et appuyez chaque circonstance de tout ce qui peut la justifier : c’est donner le contrepoison avec le venin, et ramener les esprits au moment qu’ils s’éloignent. Si la narration de votre adversaire est telle que vous n’ayez aucun intérêt à la recommencer, même en d’autres termes ; si l’auditoire a si bien envisagé les faits, qu’il vous importe peu de les lui présenter sous un autre point de vue, alors la narration est inutile, et il faut la supprimer. Elle est déplacée, quand elle n’occupe pas dans le discours la place qui lui convient ; mais ceci appartient à la disposition, et nous en parlerons en traitant de cette partie. La narration n’est pas dans un jour favorable, quand elle expose avec clarté, quand elle embellit ce qui peut servir notre adversaire, quand elle est obscure et négligée dans ce qui nous est avantageux. Pour éviter cet écueil, ramenez tout à l’intérêt de votre cause ; supprimez, autant qu’il est possible, toutes les circonstances défavorables ; glissez légèrement sur tout ce qui est dans l’intérêt de votre adversaire ; mais développez avec soin, avec clarté tout ce qui peut vous servir. Je crois en avoir assez dit sur la narration ; passons maintenant à la division.

XXII. Une division bien faite rend tout le discours clair et lumineux. La Division a deux parties, toutes deux également nécessaires pour développer la cause et fixer le point de discussion. La première établit en quoi nous sommes d’accord avec l’adversaire, et ce que nous lui contestons ; c’est elle qui indique à l’auditeur ce qui doit fixer son attention. L’autre renferme l’analyse rapide et la distribution de ce qui va faire la matière du discours ; c’est elle qui annonce à l’auditeur que le discours sera terminé, quand nous aurons traité tels et tels points. Nous allons indiquer en peu de mots la manière d’employer l’une et l’autre de ces divisions.

La première, celle qui établit en quoi nous sommes ou non d’accord avec l’adversaire, doit tourner en faveur de la cause ce dont on est tombé d’accord avec lui. Vous convenez, par exemple, qu’Oreste a tué sa mère ; « mais l’accusateur convient aussi que Clytemnestre avait assassiné. Agamemnon. » C’est ainsi que chacun est tombé d’accord sur un point, sans négliger l’intérêt de sa cause. Établissez ensuite le point de discus-