Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/273

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quel en a été, quel en est, quel en sera le résultat. Aussi, pour le trouver plus facilement, faut-il considérer quels sont les effets ordinaires de chaque chose, comme : « La haine naît de l’arrogance ; l’arrogance, de l’orgueil. »

Les conséquences sont le quatrième point qu’il faut, comme nous l’avons dit, considérer dans les choses. Elles comprennent tout ce qui dépend du fait une fois accompli : d’abord quel nom il faut lui donner ; quels en sont les auteurs, les chefs, les approbateurs, les imitateurs ; quelle est son importance ; quelle est sur ce point la loi, la coutume, la formule d’accusation, les jugements, ce qu’offrent la science et l’art ; ensuite quelle est sa nature ordinaire et habituelle ; s’il est commun, ou rare et extraordinaire ; s’il est soutenu par l’approbation générale ; ou si une semblable action a coutume d’exciter des sentiments de haine ; enfin tout ce qui a un rapport plus ou moins éloigné avec un fait tel que celui qu’on examine. Cherchez aussi avec attention tout ce qu’il peut offrir d’honnête ou d’utile, ce que nous développerons avec plus de détail en traitant du genre délibératif. On attribue aux choses tout ce que nous venons d’indiquer : tels en sont du moins les principaux caractères.

XXIX. Tout raisonnement tiré des lieux dont nous avons parlé sera ou probable ou nécessaire ; car, pour le définir en peu de mots, un raisonnement est une preuve qui rend un fait probable, ou en démontre la nécessité. Il est démontré nécessaire quand il est impossible de prouver qu’il soit arrivé autrement qu’on le dit ; par exemple : « Si elle est mère, c’est qu’elle a eu commerce avec un homme. » Cette manière de raisonner, qui prouve la nécessité du fait, s’emploie surtout sous la forme de dilemme, d’énumération ou de simple conclusion.

Le dilemme est un argument qui vous presse de deux côtés : « Si cet homme est un méchant, pourquoi en faire votre ami ? S’il est vertueux, pourquoi l’accuser ? »

L’Énumération expose plusieurs choses qu’elle nie toutes ensuite, à l’exception d’une seule, dont elle démontre la nécessité. Par exemple : « Il faut que l’accusé ait tué cet homme par haine, par crainte, par espérance, ou pour servir un ami ; s’il n’est animé par aucun de ces motifs, il ne l’a point tué ; car on ne commet point gratuitement un crime. Mais il n’était point son ennemi, il n’avait rien à craindre de lui, rien à espérer de sa mort, indifférente aussi pour les amis de l’accusé. Il ne reste donc rien à conclure, sinon qu’il ne fa pas tué. »

On appelle simple conclusion la conséquence nécessaire de ce qu’on avance : « À l’époque du délit dont vous m’accusez, j’avais passé la mer ; donc, bien loin de l’avoir commis, je n’ai pas même eu la possibilité de le commettre, » Prenez garde surtout ( car ce serait donner des armes contre vous) que votre preuve n’ait pas seulement la forme d’un raisonnement, une apparence de conséquence nécessaire, mais que votre raisonnement naisse de raisons rigoureusement nécessaires.

Un fait, vrai ou faux, est probable quand il est naturel ou conforme aux idées reçues, ou qu’il a du moins avec ces idées quelque similitude.