Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/274

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Ainsi, il est probable, parce qu’il est naturel, que, Si elle est mère, elle aime son fils ; que, « S’il est avare, il tient peu à sa parole. » Il est probable, parce que les idées généralement répandues doivent faire admettre cette probabilité, que : « L’impiété est punie dans les enfers. » Et, par la même raison, il est probable encore que : « Les philosophes ne reconnaissent point la pluralité des dieux. »

XXX. La Similitude s’établit surtout entre des choses contraires, pareilles, ou qui ont le même principe. Exemple, des contraires : « Si l’on doit pardonner un tort involontaire, doit-on de la reconnaissance à un service forcé ? » De choses pareilles : « Si une côte sans port n’offre point d’asile aux vaisseaux, un cœur sans bonne foi n’offre point de sûreté à l’amitié. » Dans les choses qui ont le même principe, on établit ainsi la probabilité : « S’il n’y a point de honte pour les Rhodiens d’affermer leur port, il n’y en a point n pour Hermacréon d’en prendre le bail. » Les probabilités sont plus ou moins fondées ; elles peuvent être, ou réelles, comme : « Une cicatrice est la preuve d’une blessure ; » ou vraisemblables, comme : « Une chaussure poudreuse indique qu’on arrive de voyage. »

Or, pour ne pas procéder au hasard, toute probabilité employée dans le raisonnement s’appuie sur des indices, sur l’opinion, sur les préjugés, ou sur une comparaison. On appelle indice tout ce qui tombe sous les sens, en indiquant quelque circonstance qui sort du fait même, qui l’a précédé, accompagné on suivi, et qui néanmoins a besoin d’être confirmé par quelque témoignage plus sûr, comme le sang, la fuite, la pâleur, la poussière. L’opinion, conforme aux idées de l’auditoire, n’a pas besoin de la déposition des témoins. « Il n’est personne qui ne souhaite à ses a enfants la santé et le bonheur. » Le préjugé naît de l’assentiment, de l’autorité, de la décision d’un seul ou de plusieurs. Il peut être considéré comme religieux, ou vulgaire, ou constaté. Il est religieux, quand il s’appuie sur un jugement sanctionné par l’autorité du serment et des lois ; vulgaire, quand il est conforme à la coutume et au sentiment général, comme le respect pour la vieillesse, la pitié pour les suppliants. La troisième espèce est l’autorité qui donne à une chose d’abord douteuse une approbation solennelle : par exemple, le peuple romain nomma consul, après sa censure, le père des Gracques, parce que, dans cette dernière magistrature, il n’avait rien fait que de concert avec son collègue. La comparaison établit quelques points de rapport entre des choses différentes. Elle a trois parties : l’image, le parallèle et l’exemple. L’image démontre la ressemblance du corps ou de la nature. Le parallèle rapproche deux choses par leurs points de ressemblance. L’exemple soutient ou infirme le fait, en s’appuyant de l’autorité d’un homme ou d’un événement. Nous donnerons des exemples et des définitions de toutes ces règles, quand nous traiterons de l’élocution.

Nous avons, autant que nous le permettaient nos faibles talents, et avec toute la clarté que comportait la nature du sujet, indiqué les sources