Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/276

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qu’il ne pouvait lui refuser, à une conclusion qui devait en être la conséquence nécessaire.

XXXII. Le premier principe de cette manière de raisonner, c’est qu’il doit être impossible de ne pas nous accorder la première partie de notre induction ; car la proposition qu’on établit pour faire convenir d’une chose douteuse ne doit pas être douteuse elle-même. Ensuite, l’objet que nous voulons prouver par l’induction doit être semblable à ce que nous avons posé d’abord pour certain. En effet, à quoi peut nous servir ce qu’on nous accorde, s’il n’a point de rapport avec la conclusion que nous voulons obtenir ? Enfin, il faut cacher sa marche, et ne pas laisser voir le but auquel doivent conduire les premières inductions. Autrement, celui qui voit, dès la première question, qu’en accordant ce qu’on lui demande, il lui faudra nécessairement accorder ce dont il ne veut pas convenir, vous empêchera, par son silence ou par une mauvaise réponse, de pousser plus loin vos questions. Il faut donc que ces questions le conduisent, sans qu’il s’en aperçoive, de ce qu’il vous accorde à ce qu’il ne veut pas accorder : alors vous le réduisez au silence, ou à l’alternative de nier ou d’avouer. S’il nie, montrez-lui l’identité de ce qu’il accorde et de ce qu’il n’accorde pas, ou servez-vous d’une autre induction. S’il avoue, concluez. Garde-t-il le silence, ou arrachez-lui une réponse, ou, puisque le silence est un aveu, concluez comme s’il avait avoué. Ainsi cet argument se divise en trois parties. La première se compose d’une ou de plusieurs similitudes ; la seconde, du point que nous voulons qu’on nous accorde, et pour lequel nous employons ces similitudes ; et la troisième, de la conclusion qui confirme la concession, ou montre ce qu’on en peut déduire.

XXXIII. Mais peut-être ne trouverait-on pas cette démonstration assez claire, si nous ne donnions un exemple de l’induction appliquée à une cause civile. Il me semble qu’un exemple de ce genre sera aussi de quelque utilité, non que l’usage en diffère dans la conversation et dans le discours, mais pour satisfaire ceux à qui un exemple d’un seul genre ne saurait suffire. Prenons la cause d’Épaminondas, général thébain ; cause si célèbre dans la Grèce. Ce grand homme n’avait point remis le commandement entre les mains du général nommé suivant la loi pour lui succéder ; mais il l’avait retenu pendant quelques jours, malgré la loi, pour achever d’abattre la puissance de Lacédémone, et il y avait réussi. L’accusateur peut employer l’induction pour défendre le sens littéral de la loi contre l’interprétation qu’on lui donnait : « Si l’on voulait, juges, ajouter au texte de la loi cette exception, qu’Épaminondas soutient avoir été dans l’intention du législateur, excepté le cas où l’intérêt de la patrie aurait déterminé le général à retenir le commandement, le souffririez-vous ? Je ne le pense pas. Que si vous-mêmes, et cette pensée est bien loin de votre sagesse et de votre respect pour la loi, vous vouliez, par honneur pour ce général, ajouter, sans l’ordre du peuple, cette