Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/275

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où doit puiser l’orateur pour la confirmation. Quant à la manière de traiter chaque question, chaque partie de question, toute discussion portant sur le raisonnement ou sur le sens littéral, et quant aux arguments qui leur conviennent le mieux, nous développerons chacun de ces points en particulier dans notre second Livre. Nous nous contentons maintenant d’indiquer confusément et sans ordre le nombre, les formes et les parties de l’argumentation ; puis nous choisirons et nous distinguerons celles qui sont propres à chaque genre de cause.

Voilà les lieux dans lesquels on pourra puiser des arguments de toute espèce ; mais l’art de les orner et de les distribuer avec ordre, art aussi agréable qu’utile, a été négligé entièrement par tous les rhéteurs. Nous allons donc en parler ici, pour joindre dans nos préceptes, à la manière de trouver l’argument, la manière de le perfectionner. L’importance de cette matière, et la difficulté d’en exposer les principes, exigent ici le plus grand soin et la plus scrupuleuse attention.

XXXI. Dans l’Argumentation, on emploie l’induction ou l’épichérème, appelé par les Latins ratiocinatio. L’Induction, en nous faisant convenir de choses évidentes, tire de ces aveux le moyen de nous faire convenir de choses douteuses, mais qui ont du rapport avec les premières. C’est ainsi que Socrate, dans un dialogue d’Eschine, son disciple, fait raisonner Aspasie qui s’entretient avec la femme de Xénophon et avec Xénophon lui-même. « Dites-moi, je vous prie, épouse de Xénophon, si votre voisine a de l’or d’un titre au-dessus du vôtre, lequel préférerez-vous ? - Le sien. - Si elle a des ajustements, une parure plus riche que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? - La sienne. - Et si son mari vaut mieux que le vôtre, lequel préférerez-vous ? » La femme de Xénophon rougit pour toute réponse.

Aspasie s’adresse ensuite à Xénophon lui-même : « Dites-moi, je vous prie, Xénophon, si votre voisin a un cheval meilleur que le vôtre, lequel préférerez-vous ? - Le sien. - S’il a une terre d’un meilleur produit que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? - La sienne. - Et s’il a une femme meilleure que la vôtre, laquelle préférerez-vous ? » Xénophon, à son tour, garda le silence. « Puisque chacun de vous, reprit Aspasie, n’a pas voulu me répondre sur le seul point que je désirais savoir, je vais répondre pour vous deux. Vous, vous désirez le meilleur des époux ; et vous, Xénophon, la meilleure des femmes. « Si vous ne réussissez à devenir, l’un, l’homme le plus parfait, et l’autre, la femme la plus accomplie, vous regretterez toujours de n’avoir point fait un meilleur choix. » Ainsi, par l’enchaînement de ses questions, en les faisant convenir de choses évidentes, elle a réussi à les faire tomber d’accord sur des choses qui leur auraient semblé douteuses, si elle ne leur avait fait que des questions isolées.

C’était la manière habituelle de Socrate ; il cherchait moins à convaincre par ses propres raisons celui avec lequel il s’entretenait, qu’à le conduire insensiblement, par une suite d’aveux