Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/280

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aussi de quatre, de trois et de deux, quoiqu’on n’adopte pas généralement cette dernière division. Quelques-uns même prétendent qu’un argument peut n’avoir qu’une seule partie.

XXXVIII. Nous donnerons donc quelques exemples des divisions reçues, et nous alléguerons plusieurs raisons en faveur des autres.

Voici un exemple d’un raisonnement à cinq parties : « Toutes les lois, juges, doivent se rapporter à l’intérêt de la patrie ; c’est dans le sens du bien général qu’il faut les interpréter plutôt que dans le sens littéral ; car vous connaissez assez la sagesse et la vertu de nos ancêtres pour croire qu’en établissant des lois, ils n’avaient d’autre but que le salut et l’intérêt de la patrie. Leur intention n’était pas d’y rien insérer de nuisible ; et ils étaient convaincus que, s’ils l’eussent fait, la découverte de leur erreur devait abroger la loi. Ce n’est pas, en effet, pour la loi elle-même qu’on veut que la loi soit inviolable, mais pour la république, dont la sûreté repose sur les lois. C’est d’après ce principe, qui rend les lois inviolables, qu’on doit en interpréter le texte. Oui, si nous n’avons d’autre but que l’intérêt de la patrie, si nous sommes en quelque sorte les esclaves de son bonheur et de sa gloire, ce même intérêt que nous portons à la patrie doit nous guider dans l’interprétation des lois. Si l’on doit croire que la médecine n’a d’autre but que de rendre la santé, puisque tel est le motif qui l’a fait inventer, les lois, on doit le croire aussi, n’ont d’autre but que l’intérêt de la patrie, puisque tel est le motif qui les a fait établir. Cessez donc, juges, cessez, dans cette cause, de vous attacher au sens littéral de la loi, et que l’intérêt de la patrie soit, comme il est juste, le seul point de vue sous lequel vous l’envisagiez. Eh ! que pouvait-il y avoir jamais de plus utile pour Thèbes que l’abaissement de Sparte ? Épaminondas, général des Thébains, ne devait-il pas, avant toute autre considération, songer à rendre les Thébains victorieux ? Que devait-il préférer à une gloire si brillante pour les Thébains ? à qui devait-il sacrifier un triomphe si beau, si éclatant, un si noble trophée ? Ne devait-il pas suivre l’intention du législateur, plutôt que le texte de la loi ? Nous avons suffisamment établi qu’aucune loi n’avait d’autre but que l’intérêt de la patrie. Épaminondas regardait donc comme le comble de la démence de ne pas prendre le salut de son pays pour règle dans l’interprétation d’une loi établie pour le salut de son pays. Que s’il faut rapporter toutes les lois à l’intérêt de la république, et si Épaminondas a été utile à la république, certes il n’a pu en même temps être utile à la fortune publique et désobéir aux lois. »

XXXIX. Le raisonnement n’a que quatre parties quand on retranche la preuve, soit de la proposition, soit de l’assomption ; et c’est ce qu’il faut faire quand la proposition est évidente, ou l’assomption assez claire pour n’avoir pas besoin d’être prouvée. Voici un exemple d’un raisonnement à quatre parties, où la proposition n’a pas de preuve : « Juges, qui devez à la loi ce pouvoir judiciaire, sanctionné par votre serment, votre