Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/281

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premier devoir est d’obéir à la loi. Or vous ne pouvez lui obéir, si vous vous écartez du sens littéral de la loi. Eh ! quel témoignage plus authentique le législateur a-t-il pu nous laisser de sa volonté, que ce qu’il a écrit avec soin, avec l’attention la plus scrupuleuse ? Si ce texte ne « subsistait pas, nous ferions tous nos efforts pour le trouver, afin de connaître la volonté du législateur ; quand nous avons le texte de la loi sous les yeux, bien loin de permettre qu’Épaminondas, accusé, interprète la volonté du législateur dans le sens de sa cause, plutôt que dans le sens littéral, nous ne le souffririons pas, même quand il serait hors de l’atteinte de la loi. Que si votre devoir, juges, est d’obéir à la loi, et si vous ne le pouvez qu’en suivant religieusement le sens littéral de la loi, qui peut vous empêcher encore de prononcer que l’accusé a enfreint la loi ? »

Voici un exemple d’un raisonnement à quatre parties, où la preuve de l’assomption est supprimée : « Nous ne pouvons avoir confiance aux discours de ceux qui nous ont souvent trompés. En effet, si leur perfidie nous cause quelque tort, nous ne pourrons en accuser que nous-mêmes. Se laisser tromper une fois est un malheur ; deux, une sottise ; il serait humiliant de l’être trois fois. Or, les Carthaginois nous ont déjà souvent trompés. Le comble de la démence serait donc de compter sur la fidélité de ces perfides, nous qui avons été si souvent victimes de leurs parjures. »

Supprimez les deux preuves, votre raisonnement n’a plus que trois parties. On peut en juger par cet exemple : « Il faut craindre Carthage, si nous la laissons subsister, ou il faut la détruire ; or, il ne faut pas la craindre ; il ne reste donc qu’à la détruire. »

XL. Quelques rhéteurs prétendent que l’on peut, que l’on doit même quelquefois supprimer la conclusion, quand la conséquence est évidente, ce qui réduit le raisonnement à deux parties. « Si elle est mère, elle n’est point vierge. Or, elle est mère. » Il suffit, disent-ils, d’établir la proposition et l’assomption, la conséquence étant si claire que la conclusion devient inutile. Pour moi, il me semble que tout raisonnement doit avoir une conclusion ; j’ajoute seulement qu’il faut éviter ce qui leur déplaît avec raison, et ne jamais donner à ce qui est évident la forme d’une conclusion.

Pour éviter cet écueil, il faut connaître les différents genres de conclusions. Tantôt la conclusion se forme de la réunion de la majeure et de la mineure. Par exemple « Que si toutes les « lois doivent avoir pour but l’intérêt de la patrie, et si l’accusé a sauvé la patrie, certes il ne peut pas tout à la fois avoir sauvé la patrie et désobéi aux lois. » Tantôt elle se tire des contraires : « Le comble de la démence serait donc de compter sur la fidélité de ceux dont la perfidie nous a si souvent trompés. » Ou bien l’on n’exprime que la conséquence seule : « Donc il faut détruire Carthage. » On peut encore se contenter d’exprimer ce qui suit nécessairement la conséquence. Ainsi, dans ce raisonnement : « Si elle est mère, elle a eu commerce avec un homme ; or, elle est mère ; » la conséquence inévitable est celle-ci : « Donc elle a eu com-