Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/295

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de son devoir, de sa fin, de sa matière et de ses parties, le premier Livre renfermait les différents genres de causes, l’art de trouver les moyens qu’elles renferment, les questions, les points à juger, enfin les parties de la composition oratoire, et des préceptes sur chacune d’elles. Tous ces sujets sont traités à part ; mais les règles de la confirmation et de la réfutation sont éparses parmi les autres. Nous allons donc donner, pour chaque genre de cause, des lieux distincts de confirmation et de réfutation ; et comme nous avons développé avec assez de soin, dans le premier Livre, la manière de traiter les preuves, nous nous contenterons d’exposer ici, avec simplicité et sans ornement, les raisons que chaque cause peut offrir. Ainsi on trouvera ici le fond des choses, et plus haut l’art de les développer. Ce que nous allons dire se rattache donc aux différentes parties de la confirmation et de la réfutation.

IV. Toute cause, ou démonstrative, ou délibérative, on judiciaire, doit nécessairement se rapporter à un ou à plusieurs des genres de questions établis plus haut. Quoiqu’on puisse donner pour tous des principes généraux, chaque genre a néanmoins des règles différentes et particulières ; car on ne saurait employer la même méthode pour louer, blâmer, accuser, défendre, ou pour énoncer une opinion. Dans le genre judiciaire, on cherche ce qu’exige la justice ; dans le démonstratif, ce que commande l’honneur ; dans le délibératif, l’honneur et l’intérêt, du moins à notre avis ; car d’autres veulent qu’en persuadant ou dissuadant, on n’ait d’autre but que de chercher et d’exposer ce qui est conforme à l’intérêt.

Des genres qui ont une fin, un but différents, ne peuvent donc avoir la même méthode. Ce n’est pas que nous prétendions qu’ils ne peuvent offrir des questions semblables ; mais le fond même et le genre de la cause est quelquefois de faire connaître la vie d’un homme ou d’énoncer une opinion. Ainsi, nous allons donner maintenant des préceptes sur le développement des points de discussion et sur le genre judiciaire ; on pourra aisément en appliquer le plus grand nombre aux différents genres de causes qui offriront les mêmes difficultés : nous traiterons ensuite de chaque genre en particulier.

Commençons par un exemple de la question de conjecture, ou question de fait : « Un voyageur rencontre un marchand qui s’était mis en route pour faire quelque acquisition, et qui portait avec lui de l’argent. Bientôt, comme c’est l’ordinaire, ils lient conversation, et une espèce d’intimité s’établit entre eux pour le reste du voyage. Ils s’arrêtent à la même hôtellerie, et annoncent l’intention de souper ensemble et de coucher dans la même chambre. Le repas terminé, ils se retirent ensemble. L’hôte (il en fit depuis l’aveu, quand il se vit convaincu d’un autre crime) avait remarqué celui qui portait de l’argent. Au milieu de la nuit, quand il juge que la fatigue les a plongés dans un profond sommeil, il entre dans leur chambre, tire l’épée du voyageur qui l’avait placée près de lui, égorge le marchand, s’empare de son argent, remet l’épée sanglante dans le fourreau, et va se