Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/312

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que celui dont l’accusé est coupable. Ensuite, par la récrimination, on fait voir par qui, devant qui, de quelle manière, dans quel temps l’action devait être intentée, le jugement rendu ou la décision de cette affaire prononcée ; on prouve surtout qu’il ne fallait pas que la punition devançât le jugement. Puis on développe les lois et les jugements qui pouvaient punir légalement une faute dont l’accusé s’est déclaré le vengeur de sa pleine autorité. Dites ensuite qu’on doit rejeter toute accusation fondée sur un délit dont l’accusateur lui-même n’a pas voulu attendre le jugement, et regarder comme non avenu ce qui n’a pas été jugé. Insistez sur l’impudence de ceux qui accusent aujourd’hui devant les juges, celui qu’ils ont eux-mêmes condamné sans l’entendre, qui demandent un jugement contre celui qu’ils ont déjà puni. Prouvez qu’il n’y aura plus d’ordre dans les jugements, que les juges excéderont leur pouvoir, s’ils prononcent à la fois et sur l’accusé, et sur celui dont il vient devant eux se faire l’accusateur. Quels désordres ne produira point ce principe, une fois établi, de punir une faute par une autre faute, une injustice par une injustice ! Si l’auteur de l’accusation présente avait voulu suivre l’exemple de l’accusé, il n’aurait pas besoin non plus de jugement ; et si chacun agissait de même, il n’y aurait plus de tribunaux.

Voici un raisonnement que vous pouvez développer encore : Quand même Horatia, sur qui l’accusé rejette son crime, eût été légalement condamnée, était-ce à lui de la punir ? Et s’il ne l’a pas dû, quand elle eût été condamnée, combien est-il coupable de l’avoir fait, sans que personne ait jamais appelé sur elle la justice des tribunaux ! Demandez ensuite qu’il vous montre la loi qui le justifie.

Nous avons dit, en parlant (le l’alternative, que l’accusateur devait mettre tous ses soins à atténuer ce qu’on donne pour alternative. Il faut encore ici comparer la faute de celui sur qui l’on rejette l’accusation, avec le crime de celui qui prétend avoir suivi les règles de la justice. Alors vous aurez soin de démontrer que cette faute n’est point de nature à justifier le crime de l’accusé. Enfin, comme dans l’alternative, arrêtez-vous au point à juger, et développez-le, par l’amplification, suivant les règles du genre délibératif.

XXVIII. Le défenseur, de son côté, réfutera, par les lieux que nous avons indiqués, les moyens tirés des autres questions. Il soutiendra la récrimination, d’abord, en exagérant le crime et j l’audace de celui sur lequel il rejette le délit, en excitant, suivant son sujet, l’indignation ou la pitié par une peinture vive et animée, puis, comparant la faute et le châtiment, il montrera que la peine a été plus légère que ne le méritait le crime. Quant aux autres lieux que l’accusateur aura traités de manière qu’on puisse les rétorquer et les tourner contre lui, (et tels sont les trois derniers qu’il a employés,) suivez, pour les réfuter, une marche contraire à la sienne. La plus solide raison que l’accusateur ait à vous opposer, c’est le désordre général,que causerait le pouvoir de punir un homme qui n’aurait point été condamné : répondez, pour l’affaiblir, que le crime était tel qu’un homme, je ne dis pas vertueux, mais seulement un homme