Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/318

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ensuite exagérer ses services, et, par des lieux communs, disposer les juges à la clémence.

Quoique ce moyen ne soit que rarement employé dans les tribunaux, si ce n’est comme accessoire, toutefois, comme il peut être nécessaire d’y avoir recours et de l’employer dans toute la cause, devant le sénat ou devant une assemblée, nous en tracerons les règles. Ainsi, « lorsque le sénat et l’assemblée publique délibérèrent sur le sort de Syphax, et le préteur L. Opimius et son conseil sur l’affaire de Q. Numitorius Pullus, la décision fut longue, et Numitorius réussit moins à se justifier qu’à obtenir son pardon. Il ne fut pas aussi facile de prouver, par la question de fait, qu’il avait été toujours dévoué aux intérêts de Rome, que d’obtenir par la déprécation le pardon de sa faute, en faveur de ses derniers services. »

XXXV. Demandez-vous donc qu’on vous pardonne ; rappelez, si vous pouvez, les services que vous avez rendus ; montrez, s’il est possible, qu’ils surpassent de beaucoup votre faute, pour prouver que vous avez fait plus de bien que de mal. N’oubliez point non plus d’exposer les services de vos ancêtres. Prouvez que vous n’étiez guidé ni par la haine ni par la cruauté ; mais que vous étiez égaré, séduit ; que vous aviez des motifs honorables, ou qui, du moins, n’avaient rien de criminel. Promettez, jurez qu’instruit par votre erreur même, affermi dans le chemin de la vertu par un pardon si généreux, on n’aura plus désormais rien de pareil à vous reprocher, et montrez l’espoir d’être quelque jour utile à ceux qui vous auront pardonné. Rappelez encore, si vous le pouvez, que les liens du sang ou l’amitié de vos ancêtres vous unissent étroitement à ceux dont vous implorez la générosité. Relevez votre dévouement, la haute naissance, la dignité de vos protecteurs ; usez, en un mot, de tous les lieux communs qui ont rapport à l’honneur et à la dignité des personnes. Employez les prières, et sans montrer jamais ni fierté ni hauteur, prouvez qu’on vous doit des récompenses plutôt que des châtiments. Nommez ensuite ceux à qui on a pardonne des délits plus graves. Un de vos moyens les plus victorieux sera de démontrer que, lorsque vous étiez armé de la puissance et de l’autorité, vous étiez bon et porté à la clémence. Atténuez aussi votre faute de manière à la rendre la plus légère possible, et à faire voir ainsi qu’il ne serait pas moins honteux qu’inutile de vous punir pour si peu de chose. Enfin pour attendrir vos auditeurs, employez les moyens que nous avons indiqués au premier livre.

XXXVI. L’adversaire, de son côté, exagérera la faute : le coupable n’a rien fait par ignorance, mais il a agi par méchanceté, par cruauté ; son caractère est impitoyable, superbe. Il a toujours été, dira-t-il, mon ennemi ; et rien ne pourra jamais changer ses sentiments envers moi. Ces services qu’il rappelle, est-ce à sa bienveillance ou à des vues intéressées que je les dois ? Ils ont été suivis d’une haine violente, il les a effacés par tout le mal qu’il m’a fait ; ou, ses services sont bien au-dessous des fautes qu’il a commises ; ou bien, ses services ont été récompensés ; il faut. punir ses fautes : le pardon serait aussi honteux qu’inutile. Quelle folie de ne point user de votre