Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/319

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pouvoir sur celui que vous avez désiré si souvent avoir entre vos mains ! Rappelez-vous quels étaient pour lui vos sentiments, quelle était votre haine. L’indignation qu’inspire le crime de l’accusé fournit à l’orateur un lieu commun ; la pitié que réclame le malheur dû à la fortune, et non à sa propre faute, lui en fournira un second.

La multitude des divisions de la question de genre nous a forcés de nous y arrêter longtemps. Comme la différence et la variété des objets qu’elle embrasse pourraient nous jeter dans quelque erreur, il me paraît indispensable de prévenir ici de ce qui me reste à dire sur ce genre de question, et d’expliquer mes motifs. La question juridiciaire traite, avons-nous dit, du droit et du tort, des châtiments et des récompenses. Nous avons traité des causes où l’on s’occupe du droit et du tort ; il faut donc maintenant parler des peines et des récompenses.

XXXVII. Un grand nombre de causes ont pour but la demande d’une récompense ; car souvent les tribunaux s’occupent des récompenses dues à l’accusateur, et l’on en sollicite devant le sénat ou devant le peuple. Qu’on n’aille pas croire qu’en parlant d’affaires portées devant le sénat, nous sortions du genre judiciaire. En effet, la louange et le blâme, quand il s’agit de recueillir ensuite les suffrages et de porter un jugement, ne sont plus du genre délibératif, mais bien du genre judiciaire, puisqu’il faut énoncer un avis et prononcer sur un homme. Avec une connaissance approfondie de la nature de toutes ces causes, il est facile de voir qu’elles diffèrent entre elles par le genre, et par la variété des formes, mais qu’elles n’en sont pas moins liées mutuellement, dans une foule de détails, par les rapports les plus intimes. Occupons-nous d’abord des récompenses. « Le consul L. Licinius Crassus poursuit et parvient à détruire dans la Gaule citérieure des brigands qui, sous différents chefs obscurs et inconnus, dévastaient la province par des courses continuelles, sans que leur nombre et leur nom permissent de les considérer comme ennemis du peuple romain. Le consul, à son retour à Rome, demanda au sénat les honneurs du triomphe. »

Ici, comme dans la déprécation, il ne s’agit pas d’établir le point à juger par des raisonnements et des réfutations ; car, s’il ne se présente pas de question ni de partie de question incidente, le point à juger est simple et renfermé dans la demande elle-même. Dans la déprécation, on s’exprimerait ainsi : « Faut-il punir ? » Ici on dira : « Faut-il récompenser ? » Voyons maintenant quels lieux appartiennent à la question des récompenses.

XXXVIII. On la divise en quatre parties : les services, l’homme, le genre de récompense, et les richesses. On considère les services en eux-mêmes, relativement aux circonstances, à l’intention de celui qui les a rendus, et à la fortune. On examine les services en eux-mêmes ; s’ils sont importants ou non, faciles ou difficiles, rares ou communs, ennoblis ou non par leur motif : les circonstances ; si l’on nous a rendu des services quand nous en avions besoin ; quand les autres ne pouvaient ou ne voulaient nous en rendre ; quand nous avions perdu tout espoir : l’intention