Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/322

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rapporté à la volonté de l’héritier ? Son silence eût indiqué que le choix de la vaisselle était laissé à l’héritier. C’eût donc été une folie que d’ajouter, pour la sûreté de l’héritier, un mot dont la suppression ne blesserait en rien ses intérêts. » Dans de pareilles causes, servez-vous surtout de ce raisonnement : Si telle avait été son intention, il ne se serait point servi de ce mot, il ne l’aurait pas mis à cette place ; car c’est là surtout ce qui rend évidente l’intention du testateur. Examinez aussi dans quel temps il a écrit : les circonstances pourront vous aider à deviner son intention ; puis vous chercherez, par les moyens du genre délibératif, ce que l’honneur et l’intérêt prescrivaient à l’un d’écrire, et aux autres d’entendre ; et si l’on emploie l’amplification, les deux parties auront recours aux lieux communs.

XLII. Quand l’un s’attache à la lettre, et que l’autre, au contraire, ramène toutes les expressions à l’intention qu’il suppose à l’auteur de l’écrit, la question naît alors de l’esprit et de la lettre. Celui qui s’attache à l’intention, montrera que l’auteur de l’écrit n’a jamais eu qu’un seul but, qu’une seule volonté ; ou il tâchera, soit par le fait, soit par quelque incident, d’adapter le texte à la circonstance. Il prouvera que la volonté de l’auteur de l’écrit n’a jamais changé, comme dans cet exemple : « Un homme marié, mais sans enfants, a fait son testament en ces termes : Si J’AI UN OU PLUSIEURS FILS, ILS HÉRITERONT DE MES BIENS ; suivent les formules ordinaires. Puis il ajoute : Si MON FILS MEURT AVANT LA MAJORITÉ, VOUS SEREZ MON SECOND HÉRITIER. Il n’eut pas de fils ; ses parents disputent la succession à celui qu’il a déclaré héritier, dans le cas où le fils mourrait avant sa majorité. » On ne peut pas conseiller ici d’adapter la volonté du testateur au temps ou à quelque événement particulier ; car on ne peut lui en prêter qu’une seule, et c’est celle qui fait toute la force de celui qui attaque le texte pour défendre ses droits à l’héritage.

Il est encore une manière de défendre l’intention. On ne soutient pas que la volonté du testateur ait été toujours la même, indépendante des événements et dirigée vers le même but ; mais que, d’après certains faits, certains incidents, il faut l’interpréter suivant les circonstances ; et alors on puisera ses plus puissants moyens dans la cause juridiciaire accessoire. Tantôt on emploie l’alternative, comme pour défendre. « Celui qui, malgré la loi, a ouvert de nuit les portes, pendant la guerre, pour recevoir des troupes auxiliaires qui eussent été infailliblement accablées par l’ennemi campé sous les murs ; » tantôt la récrimination, comme à l’égard de « Celui qui, malgré la loi générale qui défend l’homicide, a tué son tribun militaire, pour se dérober à ses violences criminelles ; » tantôt le recours, comme en faveur de « Celui qui, nommé député, n’a pu partir au jour fixé par la loi, faute d’avoir reçu de l’argent du trésorier ; » enfin, l’aveu du crime pour s’excuser sur son ignorance,