Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/323

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comme « Dans le sacrifice du veau ; » sur une force irrésistible, comme «  Dans le vaisseau à éperon ; » sur le hasard, comme « Dans le débordement de l’Eurotas. » Ainsi développez l’esprit du texte, de manière à prouver que la volonté du testateur ou du législateur était une et invariable, ou qu’on peut la déterminer par telle ou telle circonstance, tel ou tel événement.

XLIII. Tous les lieux que nous allons indiquer, ou du moins le plus grand nombre, pourront servir à celui qui défend la lettre. Il commencera par l’éloge du législateur ou du testateur, et par un lieu commun sur la nécessité indispensable pour un juge, de s’en tenir à la lettre, surtout quand il s’agit d’un texte légal et authentique, comme, par exemple, d’une loi ou d’un écrit fondé sur la loi. Ensuite (et c’est surtout ici que la preuve devient puissante), l’orateur doit comparer la conduite ou l’intention de ses adversaires avec l’écrit lui-même, les définir l’un et l’autre, rappeler aux juges leur serment, lieu qui offre à l’éloquence une variété infinie. Tantôt il se demande avec étonnement à lui-même ce qu’on peut lui répondre ; tantôt, s’adressant aux juges une seconde fois, il semble chercher ce qu’ils pourraient encore attendre de lui ; enfin, apostrophant son adversaire, qu’il paraît accuser à son tour : Niez-vous, dira-t-il, que ce soit là le texte de la loi ou de l’écrit, ou que vous ayez agi dans un sens contraire, et que vous y portiez atteinte ? osez nier l’un ou l’autre, et je me tais. Accorde-t-il l’un et l’autre, sans se désister de ce qu’il avance, vous ne pouvez plus victorieusement prouver son impudence, qu’en vous arrêtant tout à coup, comme si vous n’aviez plus rien à dire, comme si l’on n’avait rien à vous répondre ; qu’il vous suffise alors de lire souvent à haute voix l’écrit qui fait l’objet de la discussion, et de comparer souvent avec cet écrit la conduite de votre adversaire ; adressez-vous aussi quelquefois au juge avec vivacité ; rappelez-lui son serment, ses devoirs, en ajoutant que l’obscurité du texte ou les dénégations de l’adversaire pouvaient seules le jeter dans l’incertitude. Mais puisque le texte est formel, que l’adversaire convient de tous les faits le devoir du juge est d’obéir à la loi, et non de, l’interpréter.

XLIV. Ceci bien établi, écartez toutes les objections qu’on pourrait vous faire. On vous réfutera en prouvant que les expressions du rédacteur ne sont pas d’accord avec sa volonté, comme il est arrivé dans l’exemple du testament ; ou, par la question accessoire, on montrera pourquoi l’on n’a pas pu ou dû s’en tenir rigoureusement au texte. Si l’on soutient que les expressions et l’intention du rédacteur ne s’accordent pas, celui qui s’en tient à la lettre dira qu’il ne nous appartient pas de raisonner sur la volonté d’un homme qui, pour nous empêcher d’interpréter ses voeux, nous en a transmis l’expression. Que d’inconvénients ne se présenteront pas, si l’on pose une fois en principe que l’on peut s’écarter de la lettre ! Ceux qui écriront leurs volontés, croiront qu’on ne les observera pas, et les juges n’auront plus de règle sûre, une fois qu’ils seront habitué, à s’éloigner du sens littéral. Vous voulez suivre la volonté du rédacteur ; mais ce n’est pas moi qui m’en écarte, c’est mon adversaire : car celui qui juge l’intention d’un homme d’après ses expressions,