Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/327

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la loi, et celui que des motifs honnêtes, ou une nécessité insurmontable, ont écarté, non pas du sens, mais de la lettre de la loi ! C’est par ces raisons et d’autres semblables que l’orateur prouvera qu’il faut admettre des exceptions, les admettre pour la loi dont il s’agit, et admettre celle qu’il demande.

Si rien n’est plus utile, comme nous l’avons dit, pour celui qui défend la lettre, que de répandre du doute sur l’équité dont se pare son adversaire, il ne l’est pas moins, pour ce dernier, d’appeler à son secours le texte même, ou d’y montrer quelque ambiguïté, de justifier celui des deux sens qui est le plus avantageux à sa cause, ou de tourner en sa faveur, par la définition, l’expression la plus défavorable, ou enfin de tirer du texte, par induction, ce qui ne s’y trouve pas expressément : nous parlerons plus bas de ce moyen de preuve. Lorsqu’on peut ainsi tirer de la lettre même un moyen de défense, quelque faible qu’il soit, pourvu que la cause soit juste, ce moyen sera nécessairement très avantageux, puisqu’en renversant le point d’appui de l’adversaire, on ôte à ses preuves tout leur nerf et toute leur vivacité. L’un et l’autre pourront puiser leurs lieux communs dans la question accessoire. Celui qui défend la lettre pourra dire encore qu’il ne faut point interpréter la loi suivant l’intérêt du coupable ; que rien n’est plus sacré que la loi. Son adversaire répondra que la loi ne consiste point dans les mots, mais bien dans l’intention du législateur et dans l’intérêt général ; qu’il serait souverainement injuste de se prévaloir des expressions du législateur contre l’équité dont il avait l’intention de prendre la défense.

XLIX. Quand deux ou plusieurs lois semblent contradictoires, le point de discussion naît de cette opposition ; par exemple, une loi porte : LE MEURTRIER D’UN TYRAN RECEVRA LE MÊME PRIX QUE LES VAINQUEURS DES JEUX OLYMPIQUES, ET LE MAGISTRAT LUI ACCORDERA CE QU’IL VOUDRA DEMANDER. Une autre loi ordonne, qu’APRÉS LA MORT D’UN TYRAN, LE MAGISTRAT FASSE MOURIR SES CINQ PLUS PROCHES PARENTS. « Thébé, épouse d’Alexandre, tyran de Phères, égorge, pendant la nuit, son mari qui reposait à ses côtés. Elle demande pour récompense le fils qu’elle a eu du tyran. Quelques citoyens prétendent que la loi veut la mort de l’enfant. Tel est le point sur lequel il faut prononcer. » Les mêmes lieux communs, les mêmes préceptes conviennent ici à chacune des deux parties, puisqu’il s’agit, pour l’une et pour l’autre, d’établir la loi favorable à sa cause, et d’infirmer celle qui lui est contraire. Il faut d’abord les comparer, examiner celle qui traite de plus grands intérêts, je veux dire d’objets plus utiles, plus honnêtes et plus nécessaires. On conclut alors que si l’on ne peut conserver deux ou plusieurs lois qui se contredisent, il faut donner la préférence à celle dont les dispositions embrassent de plus grands intérêts. On recherche ensuite quelle est la loi la plus récente : c’est ordinairement la plus importante et celle qu’il faut préférer. On distinguera la loi qui permet, et celle qui ordonne ; car on est obligé de faire ce qui est ordonné expressément ;