Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/326

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vous alléguez les raisons et les motifs pour lesquels la loi ou le testament renferme de telles dispositions, de sorte que vous paraissiez avoir pour vous la pensée et la volonté du rédacteur, aussi bien que le texte même de l’écrit. Vous pourrez encore attaquer le fait par d’autres états de question.

XLVII. Celui qui parle contre la lettre, établit d’abord l’équité de sa cause ; il montre quelle a été son intention, ses motifs, l’esprit qui l’a dirigé ; et, quelques raisons qu’il apporte, il suivra, dans sa défense, les principes que nous avons donnés sur la question accessoire. Après avoir, en développant ces moyens, exposé ce qui l’a fait agir, et démontré, par l’amplification, l’équité de sa cause, il soutiendra par les lieux suivants qu’il faut admettre des exceptions. Il prouvera que la loi n’ordonne jamais rien d’injuste ou de funeste, et que les peines qu’elle prononce sont établies pour punir le crime ou la méchanceté ; que le rédacteur, s’il existait encore, approuverait une telle action ; qu’il, en aurait fait autant dans les mêmes circonstances. Juges, dira-t-il, si le législateur exige que ceux qui siègent dans les tribunaux soient d’un certain ordre de citoyens, qu’ils aient atteint un certain âge, ce n’est pas pour qu’ils répètent ses paroles, ce que pourrait faire un enfant, mais pour qu’ils soient en état de deviner son intention, pour qu’ils soient les interprètes de sa volonté. Si le rédacteur en eût abandonné l’expression à des juges barbares et ignorants, il eût prévu tous les cas avec le plus grand soin ; mais, comme il savait quels hommes on chargerait des fonctions de juges, il n’a point parlé de ce qui lui semblait évident, persuadé que vous ne vous contenteriez point de répéter ses paroles, et que vous chercheriez plutôt à interpréter sa volonté. Ensuite, s’adressant à ses adversaires, qu’il leur demande : Si j’avais fait telle chose, si tel événement était arrivé (et il ne citera ici que des actions honnêtes ou d’une nécessité inévitable), m’auriez-vous accusé ? et cependant la loi ne parle point de cette exception. Elle ne les fait donc pas toutes ; il en est donc d’assez évidentes pour qu’elles soient, en quelque sorte, tacites. Enfin, dans la conversation, dans les habitudes domestiques, dans les ordres qu’on donne chez soi, aussi bien que dans la loi et dans un contrat, à combien d’erreurs ne serait-on pas exposé tous les jours, si l’on voulait s’en tenir à la lettre, sans se prêter à l’intention de celui qui a parlé !

XLVIII. Prouvez ensuite, par les lieux communs de l’honneur et de l’intérêt, combien ce que vous devez ou vous auriez dû faire, suivant vos adversaires, serait honteux ou funeste ; combien, au contraire, ce que vous demandez ou ce que vous avez fait est utile et honorable. L’orateur fera aussi cette réflexion : ce qui nous est cher dans la loi, ce n’est point seulement les ex-pressions, marques faibles et obscures de la volonté, mais l’importance des choses, mais la sagesse et la prudence du législateur. Définissez ensuite la loi ; montrez qu’elle ne consiste pas dans les mots, mais dans le sens, et que le juge qui s’attache à l’esprit et non à la lettre, n’en est pas moins fidèle à la loi. Quelle indignité de punir du même supplice le scélérat dont l’audace criminelle a enfreint