Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
170
NOTES

y eût dans celle d’Aristote, et c’est la seule qu’on ait rejetée des écoles…. Les bornes de l’esprit d’Aristote ont été en philosophie, durant vingt siècles, les bornes de l’esprit humain…. Ce n’est pas que dans ses meilleurs ouvrages sa manière d’écrire n’ait des défauts très-marqués. Il pousse jusqu’à l’excès l’austérité du style philosophique et l’affectation de la méthode : de là naissent la sécheresse et la diffusion. Il semble qu’il ait voulu en tout être l’opposé de Platon son maître, et que, non content d’enseigner une autre doctrine, il ait voulu aussi se faire un autre style. On reprochait à Platon trop d’ornements ; Aristote n’en a point du tout : pour se résoudre à le lire, il faut être déterminé à s’instruire. Il tombe aussi de temps en temps dans l’obscurité ; de sorte qu’après avoir paru, dans ses longueurs et ses répétitions, se défier trop de l’intelligence de ses lecteurs, il semble ensuite y compter beaucoup trop. On a su de nos jours réduire à un petit espace toute la substance de sa Logique, qui est très-étendue. Sa Poétique, dont nous n’avons qu’une partie, qui fait beaucoup regretter le reste, a embarrassé en plus d’un endroit, et divisé les plus habiles interprètes. Sa Rhétorique, dont Quintilien (on peut ajouter Cicéron) a emprunté toutes ses idées principales, ses divisions, ses définitions, est abstraite et prolixe dans les premières parties ; mais pour le fond des choses, c’est un modèle d’analyse. » (La Harpe, Cours de Littérature, première partie, liv. i, chap. 1.)

VI. Hermagoras. Hermagoras, célèbre rhéteur, né à Temnos en Éolie, était surnommé Carion. Il composa six livres sur la Rhétorique. Il écrivit aussi sur le Beau, sur l’Élocution, sur les Figures et sur d’autres sujets. Il donna des leçons à Rome avec Cécilius, du temps d’Auguste, et mourut dans un âge fort avancé. Cicéron ne le cite nulle part aussi fréquemment que dans ce livre. Voyez Suidas, Quintilien, liv. ni, chap. 1 ; Plutarque, Vie de Pompée. Ernesti croit cependant, non sans quelque raison, qu’il ne faut pas confondre ce rhéteur avec celui dont Cicéron parle dans ses ouvrages.

XXX. Velut Gracchi patris factum. Appius Claudius Pulcher et Tib. Semp. Gracchus avaient, comme censeurs, ôté leur cheval à plusieurs chevaliers romains. Les tribuns s’étaient fortement élevés contre cette mesure. Le peuple demandait justice surtout de la conduite d’Appius. Gracchus alors se leva, et fit serment que si l’on attaquait son collègue, il n’attendrait pas la condamnation qui pourrait aussi le frapper, mais qu’il accompagnerait Appius en exil. L’intégrité reconnue de Gracchus empêcha le peuple d’aller plus loin. Appius fut absous l’an de Rome 584.

XXXI. Æschinem. Eschine, fils de Charinus ou de Lysanias, naquit à Athènes. Passionné pour l’étude, il s’attacha tellement à Socrate qu’il ne le quittait jamais. Aussi ce philosophe disait-il : « Le fils d’un charcutier est le seul qui sache nous honorer. » On l’accuse de s’être approprié plusieurs dialogues de son maître, que Xantippe, veuve de Socrate, lui avait donnés. Diogène Laërce lui attribue sept dialogues intitulés : Miltiade, Callias, Axiochus, Aspasic, Alcibiade, Télaugès et Rhinon. Il nous reste l’Axiochus ; car je ne crois pas que l’un des deux Alcibiade de Platon soit d’Eschine le socratique.

XXXVI. Falsum est non esse plus quam triparti tant argumentationem. Le syllogisme est composé de trois propositions ; savoir : la majeure, la mineure, et la conclusion, qui doit suivre nécessairement des deux premières, pour que le syllogisme soit en forme ; mais l’auteur donne quelquefois cinq propositions au syllogisme, parce qu’à chacune des propositions ordinaires il ajoute quelque preuve qui la confirme. Il le fait, soit pour l’ornement, soit par nécessité, quand la proposition est douteuse. Cette espèce de syllogisme se nomme épicherèmé. En voici un exemple :

1° « Celui-là n’a pas violé les lois dont l’action avait pour but de sauver la république, et qui l’a effectivement sauvée ;

2° Parce que la fin pour laquelle les lois ont été faites est le salut de la république ;

3° Or, Milon a voulu sauver la république, et l’a sauvée réellement en tuant Clodius ;

4° En effet, Clodius était l’ennemi déclaré de la république, dont il aurait causé la perte, s’il n’eût été tué ;

5° Donc Milon n’a point violé les lois en tuant Clodius. »

Supprimez la seconde et la quatrième proposition, et ce raisonnement oratoire n’est plus qu’un syllogisme ordinaire.

XXXVIII. Exempla ponemus. Les paroles que Cornélius Népos, Vie d’Épaminondas, chap. 8, et après lui Élien, Hist. div., xiii, 42, mettent dans la bouche du Thébain sont un peu moins oratoires, mais un peu plus éloquentes que le discours de rhéteur qu’on prête ici au défenseur d’Épaminondas.

XLIX. Cœpionis legem. Q. Servilius Cépion, consul l’an de Rome 647, porta une loi qui abrogeait une disposition de la loi rendue par C. Gracchus, disposition qui accordait aux seuls chevaliers romains le droit de juger. Par sa nouvelle loi, Cépion adjoignit les sénateurs aux chevaliers.

LV. Rhetor Apollonius. Apollonius, surnommé Molon, ou, selon Plutarque, fils de Molon, célèbre rhéteur grec, qui vivait environ quatre-vingts ans avant Jésus-Christ. Il était d’Alabanda, ville de l’Asie Mineure. Il enseigna la rhétorique à Rome et à Rhodes, et compta Cicéron et César parmi ses auditeurs. Comme il entendait peu la langue latine, il pria Cicéron de composer en grec. Le jeune orateur s’empressa d’obéir, dans l’espérance de recevoir d’utiles conseils. Quand il eut achevé, au milieu des transports d’admiration et des applaudissements qu’excitait sa harangue, il vit avec chagrin Apollonius demeurer longtemps muet et pensif ; il ne put s’empêcher de lui témoigner combien il était sensible à cette marque d’improbation. Moi, lui répondit Apollonius, je te loue et je t’admire, Tullius ; mais je plains la Grèce. Il ne lui restait plus que la supériorité des lumières et de l’éloquence, et tu la lui enlèves pour la transporter aux Romains. (Plutarque, Vie de Cicéron, chap. 5.)

C’est de lui que Cicéron apprit à se borner, à ne point s’abandonner aux saillies d’un esprit quelquefois plus fécond (pie juste ; enfin, à se renfermer en tout dans de justes limites. Aussi, lorsque, après avoir passé deux ans dans l’école d’un maître aussi habile, le jeune orateur revint à Rome, on fut moins frappé encore de ses progrès dans l’art de la parole, que du changement qui s’était opéré dans son débit. Sa voix s’était adoucie, et son action était devenue plus modelée. Il paraît qu’Apollonius n’était point partisan de la philosophie. (Cic. de Orat, i, 17.)


LIVRE SECOND.

I. Magno pretio conductum. Pline, xxxv, 36, dit que ce furent les habitants d’Agrigente qui demandèrent à Zenxis un tableau, qu’ils consacrèrent dans le temple de Junon Lacinia. Il s’accorde avec Cicéron dans le reste du récit.

II. Inventore Tisia. Tisias, Sicilien, disciple de Corax, le plus ancien auteur qui ait écrit sur la rhétorique. Aris-