Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/526

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comme il est arrivé peut-être de beaucoup d’autres, enseveli dans un éternel oubli. Les écrits de Névius peuvent donner une idée du langage de ce temps-là ; car nous lisons dans les anciens mémoires que Névius est mort sous les consuls que je viens de nommer. Il est vrai que notre ami Varron, si exact dans ses recherches sur l’antiquité, pense qu’il y a erreur de date, et fait vivre Névius plus longtemps. Quant à Plaute, il est mort vingt ans plus tard sous le consulat de Publius Claudius et de L. Porcius, lorsque Caton était censeur.

Ainsi, après Céthégus, et dans l’ordre des temps, vient Caton qui fut consul neuf ans plus tard que lui. Nous le regardons comme très ancien, et cependant il mourut sous le consulat de L. Martius et de M’. Manilius, précisément quatre-vingt-six ans avant le mien.

XVI. Je ne crois pas, au reste, que nous ayons de discours plus anciens que ceux de Caton, qui méritent d’être cités, à moins que la harangue d’Appius Cécus au sujet de Pyrrhus, et certains éloges funèbres n’aient du charme pour quelques lecteurs ; car pour ces éloges, ils existent : ce sont des titres et des monuments que les familles ont toujours conservés, tant pour en faire usage lorsqu’un de leurs membres venait à mourir, que pour perpétuer le souvenir de la gloire domestique, et rehausser l’éclat de leur noblesse. Au reste, ces panégyriques ont rempli notre histoire de mensonges. On y raconte des faits qui n’ont jamais eu lieu, des triomphes imaginaires, des consulats dont on grossit le nombre, de fausses généalogies. On y anoblit des plébéiens, en faisant naître des hommes d’une origine obscure dans une famille illustre qui porte le même nom ; comme si je me disais issu de M’. Tullius qui était patricien, et qui fut consul avec Serv. Sulpicius dix ans après l’expulsion des rois. Caton a laissé presque autant de discours que l’Athénien Lysias, qui, je pense, en a laissé un grand nombre : car Lysias est Athénien, puisqu’il est né et qu’il est mort à Athènes, et qu’il y a fait tous les actes de citoyen ; quoique Timée, comme s’il y avait eu pour lui une loi Licinia et Mucia, veuille le rendre à Syracuse. Ces deux orateurs ont même entre eux quelque ressemblance : ils ont tous deux de la finesse, de l’élégance, de l’enjouement, de la précision. Mais le Grec, plus heureux, a obtenu tous les genres de succès. Il a en effet de zélés partisans, qui préfèrent à l’embonpoint des formes sveltes et déliées, et à qui plaît une constitution délicate, pourvu qu’elle n’exclue pas la santé. Ce n’est pas que Lysias n’ait souvent du nerf, au point qu’on ne peut rien imaginer de plus fort ; mais en général sa manière est trop sèche. Il a cependant ses admirateurs qui aiment surtout en lui cette extrême simplicité.

XVII. Mais Caton, est-il aujourd’hui un seul de nos orateurs qui le lise ? en est-il même un qui le connaisse ? et cependant, quel homme, grands dieux ! Ne voyons point en lui le citoyen, le sénateur, le général, il ne s’agit ici que de l’orateur. Qui jamais sut louer avec plus de noblesse ? blâmer avec une plus mordante énergie ? quelle finesse dans les pensées, quelle ingénieuse simplicité dans l’exposition des faits et des arguments ! Les cent cinquante discours et plus, que j’ai trouvés de lui jusqu’à ce jour, et que j’ai lus,