Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/547

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le troisième, ni dans une course de chars celui qui est encore tout près de la barrière quand le vainqueur a déjà reçu la palme ; ni parmi les orateurs, ceux qui sont si éloignés du premier, qu’a peine ils semblent courir dans la même lice. Cependant Philippe avait des qualités, qui, jugées seules et sans comparaison, pouvaient paraître grandes : une extrême franchise, beaucoup de traits piquants, des idées abondantes et développées avec facilité. Il était surtout initié fort avant, pour ce temps-là, aux sciences de la Grèce. Dans la dispute, ses railleries avaient quelque chose de mordant et d’acéré.

On peut rapprocher de leur époque L. Gellius, orateur dont le mérite réel n’allait pas jusqu’à faire illusion sur celui qu’il n’avait point. Il ne manquait ni de connaissances, ni d’imagination ; l’histoire romaine lui était familière, et il s’exprimait avec facilité ; mais son âge le mettait en concurrence avec des génies du premier ordre. Il rendit cependant à ses amis de nombreux et d’utiles services. Sa longue carrière le fit contemporain de plusieurs générations d’orateurs, et il plaida une multitude de causes. Dans le même temps à peu prés, on rencontre un homme savant dans les lettres grecques et latines, D. Brutus, qui fut consul avec Mamercus. L. Scipion n’était point non plus sans talent, et Cn. Pompéius, fils de Sextus, jouissait de quelque réputation. Quant à Sextus son frère, doué du génie le plus heureux, il le tourna vers la jurisprudence, la géométrie, la philosophie stoïcienne, et il y acquit de vastes connaissances. Avant eux, M. Brutus s’était distingué dans la science du droit, et un peu après celui-ci, C. Biliénus rehaussa par le même genre de mérite un nom déjà illustre. Il eût été consul, s’il n’eût rencontré un obstacle dans les nombreux consulats de Marius, qui laissaient si peu de place à d’autres ambitions. L’éloquence de Cn. Octavius, ignorée avant son consulat, se fit applaudir, pendant qu’il fut consul, dans beaucoup de harangues. Mais quittons ceux qui parlèrent en public sans pour cela être orateurs, et revenons à ceux qui méritent vraiment ce nom. — C’est mon avis, dit Atticus ; car il me semble que dans cette histoire de l’éloquence ce sont les talents, et non le zèle que vous recherchiez.

XLVIII. — Eh bien ! repris-je, C. Julius. fils de L., l’emportait sur ses devanciers et sur ses contemporains par son enjouement et la finesse de ses plaisanteries. Ce ne fut pas sans doute un orateur véhément, mais rien n’est au-dessus de l’urbanité, de l’élégance, de la grâce, qui faisaient le charme de son style. Il existe de lui quelques discours qui peuvent, aussi bien que ses tragédies, donner une idée de son langage, dont le caractère est la douceur sans la force. P. Céthégus, qui était de son âge, parlait assez facilement sur les affaires publiques. Il avait étudié tous les détails du gouvernement, et les connaissait à fond. Aussi dans le sénat son influence égalait celle des hommes consulaires. Peu propre aux grandes causes, il défendait avec assez d’adresse et de talent les intérêts privés.

Q. Lucrétins Vispillo portait, dans le même genre de plaidoirie, beaucoup de finesse et de connaissance des lois. Aphilia réussissait mieux à la tribune qu’au barreau. T. Annius, de la tribu Vélina, était un homme éclairé, et un ora-