Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/561

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ne l’eût entraîné vers la gloire plus éclatante des guerriers : il avait assez de richesse dans le style, un coup d’œil sûr et pénétrant ; quant à l’action, sa voix était pleine d’éclat, et son geste, d’une noblesse admirable. Un autre de mes égaux en âge, D. Silanus, votre beau-père, avait peu d’étude, mais assez de pénétration et de facilité. Q. Pompéius, fils d’Aulus et surnommé le Bithynique, âgé d’environ deux ans plus que moi, était passionné pour l’éloquence, savant, laborieux et doué d’une activité incroyable. Je puis le savoir ; car nous l’eûmes, M. Pison et moi, non seulement pour ami, mais pour compagnon de nos études et de nos exercices. Son action ne faisait pas assez valoir ses paroles ; celles-ci coulaient en effet avec quelque abondance ; mais son débit avait trop peu de grâce. P. Autronius, du même âge que lui, avait une voix forte et perçante ; c’était là tout son mérite. Ajoutons L. Octavius de Réate, qui, déjà fort occupé au barreau, mourut à la fleur de l’âge ; il apportait à ses plaidoyers plus d’assurance que de préparation. Ajoutons encore C. Stalénus, qui s’était adopté lui-même, et de Stalénus s’était fait Élius ; il avait une éloquence fougueuse, emportée, furibonde ; et comme ce genre trouvait de nombreux approbateurs, il serait parvenu aux dignités, s’il n’eût été surpris dans un crime manifeste, et puni par la justice et les lois.

LXIX. Dans le même temps parurent les deux frères C. et L. Cépasius, avocats infatigables, dont une rustique et grossière éloquence porta rapidement à la questure la nouveauté sans gloire et la fortune soudaine. Joignons ici, pour n’oublier aucune voix parlante, C. Cosconius Calidius, qui, sans le moindre talent d’invention, étalait devant le peuple ce qu’il avait de faconde, et recueillait les bruyants applaudissements d’un auditoire immense. On en peut dire autant de Q. Arrius, qui fut comme l’auxiliaire et le second de M. Crassus. Cet homme est un exemple remarquable de ce qu’on peut faire dans Rome, en prodiguant à beaucoup ses soins officieux, et en servant un grand nombre de citoyens dans leurs périls ou leur ambition : c’est par là que, né dans un rang obscur, Arrius parvint aux honneurs, à la fortune, à la considération, et se fit même, sans talent ni savoir, un certain nom parmi les avocats. Mais comme ces athlètes sans expérience qui soutiennent avec succès les assauts d’un rival, mais qui, exposés au soleil d’Olympie, objet de tous leurs vœux, ne peuvent en soutenir les ardeurs, ainsi Arrius, après avoir parcouru sans aucun revers une carrière brillante, et porté même le poids de quelques grands travaux, succomba sous le soleil trop vif de l’année de réforme qui a donné aux plaidoyers des limites sévères.

— En vérité, dit alors Atticus, vous puisez jusque dans la lie, et déjà même depuis longtemps. J’ai gardé le silence ; mais je ne prévoyais pas que vous dussiez descendre jusqu’aux Stalénus et aux Autronius. — Sans doute, lui dis-je, vous ne me supposez pas des vues intéressées, puisque ceux dont je parle sont morts. L’ordre chronologique me fait nécessairement trouver sur ma route les noms connus et les souvenirs contemporains. Je veux d’ailleurs, en tirant de la foule tous ceux qui, sur le nombre, ont seuls osé faire entendre leur voix, établir que bien peu sont vraiment dignes de mémoire, et que ceux même qui eurent un nom quelconque, ne sont pas très nombreux ; mais revenons à notre sujet.