Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/582

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de Salamine quatre-vingts ans plus tard (an de Rome 274). — Clisthène est un des Alcméonides qui chassèrent Hippias d’Athènes, l’année même où les tyrans furent chassés de Rome, suivant la remarque de Pline. Clisthène établit l’ostracisme, et fut le premier citoyen exilé par l’ostracisme. (Élien, Histoires diverses, XIII, 24.) Cléon, Alcibiade, Critias, Théramène, vécurent tous pendant la guerre du Péloponèse, qui finit l’an de Rome 349, avant J. C. 405.

VII. Quibus temporibus quod dicendi genus viguerit. Hug. Blair, leçon 25, appliquant aux discours publics ce que Cicéron dit dans un sens beaucoup plus général, ajoute : « C’est une manière bien différente de celle que dans les temps modernes on attribue à l’éloquence populaire ; et elle donne une haute idée du discernement du peuple auquel ces orateurs s’adressaient. » Mais Thucydide ne prête-il pas sa manière aux orateurs qu’il fait parler, encore plus qu’il n’emprunte la leur ? Il serait permis de le penser. Salluste est un écrivain admirable, et qui respire tout le bon goût de son siècle. Or, on n’a jamais dit que ses discours (principalement ceux de sa grande Histoire, où il imite trait pour trait Thucydide) fussent le modèle de l’éloquence populaire de son temps. (Comparez ce que Cicéron dit de ces mêmes orateurs, de Oratore, II, 13 et 22.)

VIII. Facta quodam modo. Un discours qui soit en quelque sorte le produit de l’art, et non l’œuvre informe d’un talent sans règle et sans méthode ; à peu près dans le même sens qu’on dit factum argentum, par opposition à argentum rude.

Tum Leontinus Gorgias…. Tous ces rhéteurs florissaient vers l’an 424 avant J. C., 330 après la fondation de Rome, c’est-à-dire, pendant la guerre du Péloponèse. Gorgias, venu à Athènes quelque temps après la mort de Périclès, y excita un enthousiasme qui est décrit de la manière la plus intéressante dans le Voyage du jeune Anacharsis, chap. 58. Il se vantait de parler avec abondance sur quelque sujet qu’on lui présentât. Il vécut, suivant Quintilien, jusqu’à cent neuf ans. Interrogé par quel moyen il avait conservé si longtemps la vie et la santé : « C’est, répondit-il, en ne faisant jamais rien pour le plaisir. » Cette maxime de morale vaut mieux que les deux discours qui nous restent sous son nom, et qui ne sont qu’un tissu d’antithèses et de subtilités. Ces deux discours sont un Éloge d’Hélène et une Apologie de Palamède. Ce dernier est contesté. Belin de Balu (Histoire de l’Éloquence chez les Grecs) pense que l’autre n’est pas de lui non plus. — Prodicos, maître de Théramène et de Socrate, est le premier qui ait raconté la belle allégorie d’Hercule entre la Vertu et la Volupté, qui a été répétée par Xénophon, Cicéron, saint Basile et autres. — Sur Hippias, voyez Cicéron, de Orat., III, 33. — Protagoras, disciple de Démocrite, rassembla le premier les propositions générales, qu’on appelle lieux communs, et qu’emploie un orateur, soit pour multiplier ses preuves, soit pour discourir avec facilité sur toutes sortes de matières. — Socrate mourut l’an de Rome 354, avant J. C. 400, à l’âge de soixante et dix ans.

Isocrates. Isocrate, dans sa jeunesse, avait entendu les leçons de Gorgias déjà vieux. Plutarque parle de soixante discours de lui, en ajoutant qu’il y en avait beaucoup de supposés. Denys d’Halicarnasse en reconnaît vingt-cinq d’authentiques : nous en avons vingt et un. La nature ne lui ayant donné ni assez de hardiesse, ni l’organe nécessaire pour paraître devant les assemblées populaires, il fonda une école de rhétorique, et enseigna son art avec un brillant succès, Isée, Xénophon, Démosthène, se formèrent à son école. Isocrate se laissa mourir de faim, l’an de Rome 416, avant J. C. 338, à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ou quatre-vingt-dix-neuf ans, pour ne pas survivre à l’indépendance de son pays, anéantie par la bataille de Chéronée.

VIII. Modum… et numerum. Il nous a paru important de fixer le sens précis de ces deux mots, qui reviennent si souvent dans Cicéron. Modus est, en musique, le ton, l’air ; c’est, en fait de style, une mesure qui détermine la longueur et les proportions des membres d’une période. Le Modus règle la phrase oratoire, comme l’air règle la phrase musicale. Le numerus (auquel nombre ne répond pas toujours exactement) consiste dans le mélange heureux des syllabes longues ou brèves, et des différents pieds poétiques, comme on peut le voir dans l’Orator et dans le troisième livre du de Oratore, où Cicéron donne sur ce sujet des règles très détaillées. C’est de ce mélange de pieds que résulte l’harmonie de chaque membre de phrase en particulier, tandis que la mesure (modus) fait sentir son effet sur la période entière. Enfin le nombre est dans la mesure, et la mesure est dans toute la période. Mais ces deux idées, si voisines l’une de l’autre, se confondent quelquefois, et le numerus se trouve aussi dans le sens de nombre oratoire, harmonie de style en général. C’est alors l’effet pour la cause.

IX. Tum fuit Lysias. Lysias, contemporain d’Isocrate, mais un peu plus vieux, mourut l’an de Rome 375, à quatre-vingts ans. Il fut, à l’âge de quinze ans, un des fondateurs de la colonie de Thurium, et eut part au gouvernement de cette ville jusqu’à celui de soixante-trois ans. Il contribua ensuite avec Thrasybule à la délivrance d’Athènes, où il termina ses jours. Photius parle de deux cent trente-trois harangues de Lysias qu’il reconnaît comme authentiques. Il n’en reste que trente-quatre qui sont toutes du genre judiciaire. (Extrait de Schoell, Littérature grecque.) — Egregie subtilis otator. SUBTILIS, signification vulgaire : subtil, c’est-à-dire, fin, ingénieux, rusé. Signification propre : fin, délié, en parlant des corps, filum subtile. Et remarquons que fin et délié, en français, reçoivent également le sens propre et le sens figuré. De la signification propre de SUBTILIS, fin, délié, mince, on passe facilement à l’idée d’une chose nue, privée d’ornements, dégagée d’accessoires, simple. De là, SUBTILIS ORATIO, style simple. Cicéron en donne la définition dans un assez long chapitre de l’Orator. Mais ce qui est fin, mince, délié, est en même temps délicat, et subtilis oratio, subtile dicendi genus, réunissent souvent l’une et l’autre idée.

Demosthenem. Démosthène fut disciple d’Isocrate, de Platon et d’Iode. Il naquit environ 384 ans avant J. C., peu de temps avant la mort de Lysias ; il mourut l’an 322 (de Rome 432), la même année qu’Aristote. Antipater disait de Démosthène : « Lui seul fait la garde sur les remparts, tandis que ses concitoyens dorment. Comme un rocher immobile, il se rit de nos menaces et repousse tous nos efforts. Il est aux Athéniens d’aujourd’hui ce qu’étaient aux anciens Thémistocle et Périclès. » Philippe disait d’Isocrate qu’il ne s’escrimait qu’avec le fleuret, et Longin remarque qu’en lisant ses écrits on se sent aussi peu ému que si l’on assistait à un simple concert. Voilà les deux orateurs jugés.

Aliique plures. Nous donnons ici (d’après M. Schœll, Littérat. grecque) la liste des dix orateurs attiques que les grammairiens d’Alexandrie ont compris dans ce qu’ils appellent le Canon des auteurs classiques. — ANTIPHON, de Rhamnonte en Attique, fut le premier qui composa des discours à prix d’argent, pour ceux qui parlaient devant le peuple et devant les tribunaux. Il fut le mitre de Thucydide. Il nous reste quinze discours de lui. — ANDOCIDE paraît n’avoir employé son talent oratoire que dans ses propres affaires : il reste de lui quatre dis-.