Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/589

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différente de celle qu’il avait embrassée dans l’affaire de la colonie de Narbonne. Brutus, celui dont il est question chap. 34, ne manqua pas d’opposer l’un à l’autre ses deux discours, et de le mettre en contradiction avec lui-même. Cicéron, pro Cluent., 51, et de Orat., II, 5, raconte comment Crassus le réfuta en mettant les rieurs de son côté.

XLIV. Laudatio. On sait qu’outre leurs avocats, les accusés pouvaient produire des amis qui fissent leur éloge (laudatores). Ces éloges étaient en quelque sorte des témoignages apologétiques. Or Cicéron, de Orat., II, 11, nous apprend qu’on donnait quelquefois des développements à de simples témoignages, et qu’on y mettait du soin et de l’élégance. Tel était sans doute le discours de Crassus dont il parle ici.

Ipsa illa censoria contra Cn. Dornitium. Cicéron, de Orat., 56, dit que ce discours était rempli d’un nombre infini de bons mots et de plaisanteries ingénieuses. Suétone, Ner., 2, en cite le trait suivant. Crassus faisant allusion au surnom d’Aenobarbus que portait son adversaire, dit « qu’il n’était pas étonnant qu’il eût une barbe d’airain, puisqu’il avait un visage de fer et un cœur de plomb : Non esse mirandum, quod teneam barbam haberet, cui esset os ferreum, cor plumbeum. » Nota. On appelait os ferreum, un visage qui ne rougit point. Catulle, Carm., XII, 16 :

Ruborem
Ferreo canis exprimantus ore.

On voit pourquoi nous ne traduisons pas ces mets par bouche de fer, expression très française, mais qui a un autre sens.

XLV. L. Afranius. L. Afranius est comparé par Horace à Ménandre. Quintilien dit qu’il se distingua parmi les auteurs de comédies romaines (fabulae togatae) ; mais il blâme ses productions sous le rapport des bonnes mœurs.

XLVI. Quod non est eorum urbanitate. Quintilien, VI 4, définit ainsi l’urbanité : « J’appelle urbanité une manière de parler où l’on ne peut découvrir rien d’inconvenant, rien de grossier, rien de négligé, rien d’étranger, ni pour le sens, ni pour les mots, ni pour la prononciation, ni pour le geste. Aussi se fait-elle remarquer moins dans des traits isolés que dans le ton général du discours, comme cet atticisme des Grecs, qui était l’expression du goût exquis et délicat des Athéniens. » Cette définition n’a rapport qu’au langage, et en ce sens, urbanitas dit moins que le mot français URBANITÉ, qui signifie cette politesse que donne l’usage du monde. Mais urbanitas reçoit aussi cette acception, et se prend pour ce bon ton que Marmontel définit : « Le naturel dans la politesse, la délicatesse dans la louange, la finesse dans la raillerie, la légèreté dans le badinage, la noblesse et la grâce dans la galanterie, une liberté mesurée et décente dans le langage et les manières, et par-dessus tout, une attention imperceptible à distribuer à chacun ce qui lui est dû de distinction et d’égards. »

Sicut illic Atticorum. Quintilien, VIII, 1, raconte aussi l’anecdote de Théophraste, et ajoute que la femme interrogée à quel signe elle l’avait reconnu pour étranger, répondit, quod nimium attice loqueretur. Théophraste était de l’île de Lesbos.

XLVII. L. Philippus. L. Philippus fut consul en 662. C’est après avoir prononcé contre lui, dans le sénat, une harangue que Cicéron appelle divine, que Crassus tomba malade et mourut. (Cic., de Orat., III, 1, et 2.)

Cnaeusque Pompeius. Ce Pompéius Strabo, consul en 664, et père du grand Pompée. Il mourut frappé de la foudre, pendant les guerres de Sylla et de Marius, aussi haï du peuple que son fils en fut aimé depuis.

XLVII. Cn. autem Octavii. Cn. Octavius fut consul avec Cinna, l’année même où Marius exilé revint d’Afrique. Il fut tué par Marius, vainqueur et maître de Rome, avec l’orateur Antoine, C. Julius César et plusieurs autres des sénateurs les plus distingués.

XLVIII. C. Julius. C. Julius César Strabo, le même qui est nommé dans la note précédente. Sa tête fut attachée aux rostres avec celle d’Antoine par ordre de Cinna. Cicéron a fait de C. Julius un des interlocuteurs de ses Dialogues de Oratore.

Q. Sertorium. Le fameux Sertorius qui, proscrit par Sylla, soutint la guerre en Espagne, depuis l’an 676, jusqu’à l’an 682, et fut assassiné par Perpenna.

LI. Antimachum. Antimaque, de Claros, petite ville ou petit canton près de Colophon en Ionie, avait composé une Thébaïde en vingt-quatre chants, et une élégie intitulée Lydé, dont les anciens faisaient beaucoup de cas. Plutarque, Vie de Lysandre, parle d’un poème à la louange de ce roi, ouvrage du même auteur, et dont Platon, encore jeune, entendit la lecture à Samos. Le même Plutarque cite ailleurs les écrits d’Antimaque comme le modèle de cette intempérance de paroles que nous flétrissons du nom de bavardage.

Ita se, inquam, res habet. Il a fallu traduire exactement cette métaphore, quelque bizarre qu’elle paraisse en français. On pourrait même douter qu’elle fit beaucoup plus agréable en latin ; au moins on ne saurait nier qu’elle ne contraste singulièrement avec celle que l’auteur place immédiatement à côté. Toutefois il faut se souvenir qu’on lit un dialogue, et que Cicéron connaissait mieux que nous les convenances de sa langue.

LII. Satis ornate et pereleganter. L’ornement et l’élégance sont deux choses différentes, quoiqu’elles se confondent quelquefois. L’ornement consiste surtout dans les figures, et l’élégance dans le bon choix, la propriété, la délicatesse des expressions. Un discours peut, à la rigueur, être élégant sans être orné, c’est-à-dire, sans être embelli par les figures et les images.

LIII. Delicati. Ernesti cite ce passage et interprète ce mot, libidini luxuive deditus ; c’est-à-dire, un homme de plaisir. Mais delicatus signifie aussi concinnus, elegans, intelligens, deliciarum. Ces sortes de gens sont amis du repos. Cic., de Nat. Deor., I, 37 : Epicurus, quasi pueri delicati, nihil cessatioe melius existimat. Voilà pourquoi nous avons traduit, un jeune homme désœuvré. De plus, ils sont sujets aux caprices et aux fantaisies, et c’est pour cela que Crassus prend un de ces élégants pour sujet de son apologue.

At vero ut contra Crassus. On trouve, de Orat., II, 6, quelques lignes de ce discours de Crassus.

LIV. Circulantem. Ernesti dit sur ce passage : Judex circulans est, qui in ipso judicio surgit, et cum hominibus consistat, et circulos facit, colloquitur. Ainsi, quand les juges étaient fatigués par l’ennuyeuse éloquence d’un froid et prolixe avocat, il leur arrivait quelquefois de se lever, de former entre eux des groupes (circulos), et d’établir des conversations. — Peut-être aussi le mot circulantem, employé au singulier, ne signifie-il ici que celui qui circule, qui va et vient, dans l’enceinte où les juges étaient assis.

LV. A. Cotta. C. Aurélius Cotta, né en 629, était neveu du vertueux Rutilius, et plaida pour lui dans le procès dont il est question, chap. 30. Le tribun Q. Varius, Espagnol de naissance, ayant fait de vive force passer une loi qui ordonnait des poursuites contre ceux qui, par des pratiques criminelles, avaient été les auteurs de la guerre Sociale, les principaux sénateurs furent condamnés pour ce crime vrai ou supposé. Ils avaient pour juges leur enne-