Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/261

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vement et à la vie de la machine : au contraire, les molécules qui n’ont pu s’unir à la masse, recevoir l’impression de la vie et concourir aux mouvements créateurs, la nature les rend à la terre ou s’en débarrasse par une action insensible.

Au reste, ne crois pas que les seuls animaux soient assujettis à cette loi : elle s’étend à tous les êtres. Comme ils diffèrent tous entre eux, il faut que leurs éléments soient doués de figures diverses : non qu’il y ait beaucoup d’élémens de différentes figures, mais parce que les individus qu’ils composent ne peuvent jamais être semblables en tout.

Si les éléments diffèrent les uns des autres, il faut qu’il y ait aussi une différence entre leurs distances, leurs directions, leurs liaisons, leurs chocs, leurs rencontres et leurs mouvements, qualités relatives, à l’aide desquelles nous distinguons non-seulement les animaux d’avec les animaux, mais encore la mer d’avec la terre, et la terre d’avec le ciel.

XXIV
LES ATOMES SONT INCOLORES.

Continue, ô Memmius ! à recueillir le fruit de mes doux travaux, et garde-toi de croire que les corps ne te paraissent blancs ou noirs, ou teints de toute autre couleur, que parce que leurs éléments sont doués de la même qualité. Les éléments n’ont aucune couleur, ni semblable, ni différente.

Si tu penses que les atomes dépouillés de couleur ne peuvent plus se concevoir, tu es dans l’erreur. Les malheureux dont les yeux n’ont jamais été ouverts à la lumière s’accoutument dès l’enfance à connaître au toucher les objets dont ils ne voient pas la couleur : de même nous pouvons nous former une idée des corps primitifs, sans qu’ils soient colorés. Enfin, nous ne sentons pas la couleur des corps que nous touchons pendant la nuit.

Mais joignons le raisonnement à l’expérience. Il n’y a pas de couleur qui ne puisse se convertir en toute autre : or les atomes ne peuvent subir de pareils changements. Leur nature exige qu’ils soient immuables : sans quoi l’univers serait anéanti, puisqu’un corps ne peut franchir les bornes de sa nature sans cesser d’être ce qu’il était. Garde-toi donc de