Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/377

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sant que la volonté même du souverain, c’est-à-dire lui-même, et nul n’est obligé envers soi-même.

Comme il a été prouvé ci-dessus qu’avant l’établissement de la société civile toutes choses appartiennent à tous, et que personne ne peut dire qu’une chose est sienne si affirmativement qu’un autre ne se la puisse attribuer avec même droit, car là où tout est commun il n’y a rien de propre, il s’ensuit que la propriété des choses a commencé lorsque la société civile a été établie, et que ce qu’on nomme propre est ce que chaque particulier peut retenir à soi sans contrevenir aux lois, et avec la permission de l’État, c’est-à-dire de celui à qui on a commis la puissance souveraine. Cela étant, chaque particulier peut bien avoir en propre quelque chose à laquelle aucun de ses concitoyens n’osera toucher et n’aura point de droit, à cause qu’ils vivent tous sous les mêmes lois ; mais il n’en peut pas avoir la propriété en telle sorte qu’elle exclue toutes les protestations du législateur, et qu’elle empêche les droits de celui qui juge sans appel de tous les différends, et dont la volonté a été faite la règle de toutes les autres.

Il est manifeste qu’en toute société civile il se trouve un certain homme ou une certaine cour et assemblée qui a sur les particuliers une aussi grande et aussi juste puissance que chacun en a hors de la société sur sa propre personne, ce qui revient à une autorité souveraine et absolue.

L’âme est ce qui donne à l’homme la faculté de vouloir ; de même le souverain est celui duquel dépend la volonté de toute la république. Je comparerais à la tête le premier ministre duquel le souverain se sert au gouvernement de l’État, car c’est à la tête de donner conseil et à l’âme de commander[1].



  1. De imperio, ch. v, vi. vii. Par ces conséquences auxquelles il aboutit, Hobbes juge lui-même son système.